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SYNDICALISME

La FDSEA 26 déterminée à faire accélérer le « changement de logiciel »

La FDSEA de la Drôme a tenu son congrès le 15 mars à Suze-la-Rousse. Quelques semaines après la mobilisation historique des agriculteurs, les responsables syndicaux ont rappelé que tout n’est pas réglé et que le combat continue pour ne plus « marcher sur la tête ».

La FDSEA 26 déterminée à faire accélérer le « changement de logiciel »
Sandrine Roussin, présidente de la FDSEA de la Drôme, Hervé Lapie, secrétaire général de la FNSEA, Thierry Devimeux, préfet de la Drôme et Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d'agriculture départementale. ©S.S.-AD26

En arrivant à Suze-la-Rousse le 15 mars, le ton est donné dès le franchissement du panneau d’agglomération. Celui-ci a gardé la tête en bas, symbole de l’action lancée partout en France dès le mois de novembre par les syndicats FNSEA et Jeunes Agriculteurs. Sandrine Roussin, présidente de la FDSEA de la Drôme, avait d’ailleurs choisi d’interpeler sur ce sujet les représentants de l’État et les parlementaires drômois : « On marche sur la tête, pourquoi en sommes-nous arrivés à ce slogan ? Pourquoi devons-nous changer de logiciel et emprunter une voie efficiente pour la réussite de notre agriculture ? ». Comme une piqûre de rappel, elle a décliné la longue et lourde liste de crises, contraintes et incohérences qui pèsent sur l’agriculture. « Aucune filière, aucune exploitation drômoise n’est épargnée », a-t-elle déploré. La présidente a ensuite alerté sur les critères trop restrictifs des dispositifs de soutien aux filières, dont les exploitations drômoises sont trop souvent exclues car très diversifiées, appelant à la mise en place « d’aides territoriales multifilières ».

62 engagements pris mais pas encore déclinés

Après les mobilisations historiques des agriculteurs ces dernières semaines, les regards étaient aussi tournés vers les avancées obtenues. Hervé Lapie, secrétaire général de la FNSEA, céréalier et éleveur de porcs dans la Marne, a rappelé que 62 engagements ont été pris par le président de la République et son Premier ministre. « Ces 62 engagements doivent désormais se décliner dans nos cours de ferme. Nous sommes partis pour un marathon en vue de changer de logiciel », a-t-il assuré. Un marathon qui prend de plus en plus l’allure d’un ultra-marathon après le report de la réunion prévue le 19 mars entre la FNSEA et le président de la République, substituée par une rencontre avec le Premier ministre Gabriel Attal et l'annonce d'une nouvelle réunion à Matignon le 25 mars.

« Quand le président de la République s’engage, derrière il nous faut des actes. Quand nos politiques décident, nos fonctionnaires doivent fonctionner et accompagner la décision politique », a martelé le secrétaire général de la FNSEA sous les applaudissements des adhérents de la FDSEA de la Drôme.

Stockage de l’eau au cœur des débats

Message reçu par le préfet de la Drôme, Thierry Devimeux, qui a déclaré : « L’ensemble de la chaîne, du président de la République aux fonctionnaires de la DDT, a été à votre écoute (…) Nous avons essayé de regarder ce qui était à la portée du niveau départemental, c’est à dire finalement pas grand-chose parce que beaucoup de choses sont en fait décidées par le cadre européen et le cadre national. Mais tout ce qu’on a pu faire dans le cadre départemental, on a essayé de le faire ensemble ». Et de citer la mise en place des permanences agricoles en DDT et sous-préfectures pour être à l’écoute des agriculteurs les plus en difficulté, ou encore l’engagement sur une organisation qui donne aux agriculteurs « plus de lisibilité sur les contrôles ».

Le préfet a par ailleurs indiqué vouloir « des avancées concrètes » sur les retenues collinaires. Et de préciser : « Le territoire drômois a besoin de stocker de l’eau car elle va être de plus en plus difficile à capter (…) Vous devez vous lancer dans la construction de retenues collinaires. Il faut y aller si possible sur des démarches collectives, si possible sur des démarches multi-usages. Il faut y aller, il faut stocker l'eau ».

« Arrêter les marchands de peur »

Sur la question de l’eau, Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d’agriculture, a appellé à « arrêter les marchands de peur » et à cesser la « politique des 3 R : réglementations en pagaille, réduction de volumes à tout va et répression ». « Sur les 15 milliards de m³ d’eau qui tombent chaque année sur la Drôme, tous les prélèvement qu’on peut faire (eau potable, irrigation, industrie...) représentent 200 millions de m³ », a-t-il encore argumenté.

Autre sujet qui a prévalu tout au long des interventions de ce congrès : la capacité à définir ce que sera la Drôme agricole à l’échéance 2040. Jean-Pierre Royannez a rappelé qu’aujourd’hui l’agriculture du département est face à un vrai dilemme puisqu’il faut à la fois entendre la détresse des agriculteurs sur les revenus, les conditions de travail, les contraintes et en même temps « séduire les nouvelles générations de venir travailler dans le plus beau métier du monde ». Il a aussi insisté sur la nécessité de « produire pour un marché avant de produire de telle ou telle façon ». Il a aussi plaidé pour la définition « d’objectifs clairs pour l’agriculture et d’un vrai contrat de confiance avec la société ». 

Liste commune FDSEA-JA pour la chambre d’agriculture

Ce congrès a également été l’occasion pour la présidente Sandrine Roussin d’annoncer que la FDSEA et les Jeunes Agriculteurs de la Drôme porteront une liste commune aux élections de la chambre d’agriculture de janvier 2025. Pour mener campagne, le syndicat compte s’appuyer sur les axes de travail dévoilés par ses vice-présidents Régis Aubenas et Jordan Magnet à l’occasion de la présentation du rapport d’orientation. « Durable, prospère, solidaire » sont les trois mots utilisés par Régis Aubenas pour définir ce projet pour l’agriculture drômoise qui s’appuiera sur trois axes de travail : le champ politico-environnemental, le champ économique et le champ humain. Avec une ligne directrice rappelée par Sandrine Roussin : « Assurons aux Drômois, à la France une alimentation sûre, saine et de qualité. Pour cela nos agriculteurs doivent avoir un revenu digne afin de vivre et non de survivre, se développer, entreprendre, en donnant toute sa place au bon sens paysan. »

Sophie Sabot

Hommage à Didier Beynet

Choc du calendrier, le congrès la FDSEA 26 avait lieu au lendemain des obsèques de celui qui fut son président de mars 2014 à mars 2017. Un vibrant hommage à Didier Beynet a été rendu en ouverture de ce congrès. Sandrine Roussin, présidente, a souligné le vrai syndicaliste, « à l’écoute de tous » qu’a été l’éleveur de Saint-Nazaire-le-Désert. Sa grande gentillesse, sa bienveillance, l’élan de générosité qui le conduisait vers les autres pour les aider ont été salués. Une longue minute d’applaudissements a été dédiée à ce responsable syndical, trop vite parti.

Des attentes fortes

Des attentes fortes
Sandrine Roussin a listé les attentes de la FDSEA 26. ©S.S.-AD26

Sandrine Roussin a relayé de nombreuses attentes de la profession, notamment sur les zones humides. « À ce jour, il n’y a pas une définition unique et précise de la zone humide, notamment dans la Loi sur l’eau de 1992. La DREAL annonce une mise en consultation du public de la cartographie en mars 2024. Il n’y a pas eu de phase de concertation avec la profession agricole, ni en région, ni en département. Il est essentiel de travailler cette carte à l’échelle départementale vite, afin de prendre en compte les enjeux des territoires », a-t-elle demandé au préfet. Concernant la prédation, elle a déclaré : « Le PNA loup et activité d’élevage 2024-2029 est une déception pour la profession, malgré les nombreuses réunions entre les éleveurs et les services de l’État. Force est de constater que globalement la copie présentée ne fait que prolonger les modalités de gestion applicables depuis 2004, conduisant à la fin du pastoralisme et atteignant la santé des éleveurs et de leur famille. » Elle a par ailleurs appelé au ré-examen des zones défarisées simples, dont la révision a lourdement pénalisé depuis 2019 une cinquantaine d’exploitations drômoises, essentiellement en Drôme des collines. 

Ils ont dit

Hervé Lapie, secrétaire général de la FNSEA : « Nous ne sommes plus que 400 000 paysans mais vous voyez la force qu’on a encore, d’être capable de se fédérer autour d’un mot d’ordre, de faire parler un président de la République, un Premier ministre et ses trois ministres autour des questions agricoles. Nous avons une capacité syndicale à faire passer nos messages, à être force de propositions. Soyez-en fiers. »

Yvan Jarnias, président de Jeunes Agriculteurs Drôme : « Aujourd’hui, il n’y a pas de valeur des produits agricoles. On nous parle de prix du marché mais on ne met pas de normes pour ce qui rentre de l’étranger. On le fait bien pour nos machines. Une machine à laver doit être normée CE pour rentrer en France. Alors pourquoi le poulet n’est pas normé CE ? »

Claude Aurias, conseiller régional : « Je fais mienne l’ensemble de vos revendications syndicales » et de rappeler que le président de la Région, Laurent Wauquiez, a annoncé mettre en place une avance remboursable, à hauteur de 30 %, sur les aides du Feader pour redonner du souffle aux exploitations dans une situation de crises multiples pour l’agriculture.

Franck Soulignac, vice-président du conseil départemental : « Le Département n’a pas attendu cette crise qui couvait depuis longtemps pour être à vos côtés. Cet engagement nous l’avons renouvelé par une nouvelle stratégie agricole que nous avons votée l’année dernière, complétée d’une stratégie alimentaire, qui ont vocation l’une et l’autre à renforcer le modèle agricole drômois. »

Adhérents, élus, partenaires participaient le 15 mars au congrès à Suze-la-Rousse. ©S.S.-AD26