“ J’ai acquis une cellule de pulvérisation équipée de la coupure de rangs automatique ”
En Bourgogne, Vincent Michel a investi dans la coupure de rangs par GPS. Il témoigne.

«Cela fait très longtemps que je songe au GPS RTK et à la coupure de tronçons », annonce Vincent Michel, qui codirige le domaine Michel, à Clessé, en Saône-et-Loire, avec son père Denis et son oncle Franck. L’exploitation viticole de 21,5 hectares de chardonnay en appellations viré-clessé et mâcon villages détient également un atelier d’engraissement de bovins en races charolaises et aubrac, qui pourvoit notamment à la fumure organique de la vigne.
« Dans le monde de la grande culture, le guidage par RTK et la coupure de tronçons sont devenus monnaie courante, explique le vigneron. Ils ont pour but d’optimiser les passages, de gagner du temps et de limiter les recoupements. » Dans le cadre de la viticulture, les passages sont contraints par la position pérenne des rangs de vigne. Mais la connaissance fine de leur position peut être utile sur de nombreux aspects.
Un porteur multifonction dédié à la pulvérisation
« J’ai des vignes dont les écartements sont sensiblement autour de 1,40 m en bas de la parcelle. Mais à l’autre extrémité, les interrangs peuvent varier de 1,35 à 1,70 m d’un rang à l’autre », contextualise le vigneron. Sur plus de 100 parcelles que compte le domaine viticole, les parcelles de 3, 4 ou 5 rangs ne sont pas rares et celles finissant en pointe sont légion. « Dans ces conditions, on abandonne rapidement l’idée de piloter manuellement et rang par rang l’ouverture et la fermeture de chaque descente du pulvérisateur », observe Vincent Michel.
Il y a trois ans, l’exploitation a investi dans un porteur multifonction New Holland 9080 N sur lequel a été installée une cellule Berthoud Cruisair. « Le porteur ne sert qu’à la pulvérisation (pour la moitié du vignoble), poursuit Vincent Michel. Je voulais des descentes face par face, afin d’améliorer la qualité de pulvérisation. Ce mode d’application est aussi mieux perçu par le voisinage que le canon oscillant qui émet une grosse brume beaucoup plus visible et moins efficace. » Le vigneron a été contraint de démonter deux des sept descentes du pulvérisateur, afin d’avoir la latitude suffisante pour répondre aux fortes variations intraparcellaires des interrangs. Un autre choix aurait été de replanter progressivement les vignes, afin d’avoir un interrang constant, mais cela signifiait renoncer aux qualités organoleptiques des productions des vieilles vignes.
Des avantages à la solution montée d’usine
Vincent Michel a porté son choix sur cette combinaison New Holland-Berthoud pour de multiples raisons. D’une part, le montage d’usine permet un pilotage du pulvérisateur depuis les commandes et le terminal Intelliview du porteur. D’autre part, l’ensemble était prédisposé à la coupure de rangs et à la modulation de dose. Le vigneron a fait le choix également de la solution de coupure de rangs et de modulation de dose Isotronic.
La mise en route de l’ensemble et de ses différentes fonctionnalités a été progressive. La première année, Vincent Michel, jusque-là plus habitué au canon oscillant, a dû se familiariser avec le pilotage des descentes dans le rang, qui n’est pas simple dans ses vignes très irrégulières. Pour les bouts de rang, le séquençage des fonctions de bout de parcelle facilite le pilotage de la cellule et de la rampe. Un seul bouton permet de gérer la position latérale et verticale des descentes, ainsi que la pulvérisation. Le vigneron a aussi pu apprécier le coloriage en vert sur le terminal des différents rangs traités, ce qui évite d’en oublier.
Un équipement fantastique
L’étape capitale à l’exploitation complète de la coupure de tronçons a été l’arpentage qui a été réalisé au cours de la seconde saison par la start-up lyonnaise Exo-Expert, à l’aide d’un drone. Au final, la coupure de tronçons n’est pleinement opérationnelle que depuis une saison. « Mais c’est fantastique, apprécie Vincent Michel. Je ne reviendrais pas en arrière. »
Désormais, le système gère de manière indépendante la séquence de bout de rangs et l’activation de la pulvérisation. « Avant, quand on baissait la rampe à trois mètres des bouts de rang, on pulvérisait ces trois mètres, constate le vigneron. Désormais on fait des économies de produits. Je ne m’occupe plus de rien. Les bouts de parcelle, les pointes, les rangs déjà traités… Le système actionne la pulvérisation là où elle doit l’être et la coupe là où elle doit être coupée. »
Du temps gagné lors des traitements
À la clé, des économies de produits loin d’être négligeables. Avec une saison d’expérience, Vincent Michel estime que la coupure de tronçons permet l’économie de 10 % de produit en bout de rang et 5 % dans les pointes et les largeurs incomplètes, soit 15 % au total. « Avant, on chargeait 11,5 hectares pour ne traiter que 10 hectares de vigne, relate-t-il. Aujourd’hui, on embarque et on traite la surface réellement plantée. Le résultat est sans appel. Malgré une année humide, il n’y a pas plus de maladie en extrémité de rang qu’en milieu de rang, même dans les pentes. »
Par la même occasion, le vigneron exploite mieux la capacité de la cuve du pulvérisateur, en réalisant plus de surface pour le même volume de bouillie. « Au lieu de 6 heures pour traiter la moitié de la surface de l’exploitation, on n’en fait plus que 5, estime-t-il. On termine plus tôt le matin, aux heures où la pulvérisation est la plus efficace, où l’hygrométrie est optimale. »
Cela signifie également moins de fatigue. « Je fais moins d’heures de pulvérisation et une partie de la conduite est désormais automatisée », se réjouit Vincent Michel.
1 000 euros économisés par an
Le porteur New Holland est déjà équipé en standard d’une petite antenne GPS, remplacée par une antenne GPS RTK et complétée d’un logiciel dans le terminal pour avoir la fonctionnalité Isotronic. Cette dernière représente un surcoût de 10 000 euros, que Vincent Michel entend rentabiliser à long terme. « Quand on fait les comptes, si l’on considère 8 traitements sur la moitié des 21,5 hectares – l’autre est traitée avec un deuxième enjambeur au canon – on fait l’économie de 1 000 euros sur l’année, calcule Vincent Michel. Quand on considère le coût de l’automoteur et de la cellule (300 000 à 350 000 euros), que représentent en proportion 10 000 euros ? Rien que pour l’économie de phytos, le retour sur investissement est réalisé sur dix ans. Mais il faut ajouter les économies de main-d’œuvre, de GNR (150 euros par an), d’usure du matériel… » Outre les équipements sur le pulvérisateur, il a fallu également investir dans l’arpentage des vignes (1 000 à 1 500 euros par hectare). Un investissement à étaler sur toute la durée de vie de la plantation.
Un vrai soutien à la conduite
Quoi qu’il en soit, Vincent Michel ne ferait pas machine arrière. Nul doute que la coupure de rangs fera partie de la dotation de base au moment du remplacement du second enjambeur et de son pulvérisateur. « C’est un vrai soutien à la conduite », résume-t-il.
Quant aux évolutions possibles de ses pratiques, Vincent Michel se montre frileux pour ce qui concerne la modulation de dose : « j’ai de profondes réserves au vu de la virulence des maladies. Si on déconcentre, il y a un risque plus élevé de développement de résistances ».
En revanche, Vincent Michel est très demandeur d’un pilotage individuel de la position de chaque descente face par face, afin que chacune soit en permanence centrée dans l’interrang de manière automatique, sur la base de l’arpentage réalisé l’année dernière. « On a déjà gagné en confort en bout de rang, il ne reste plus qu’à en faire autant sur la longueur », conclut-il.
Ludovic Vimond