Tour de France 2025 : « une course passionnante, loin du cyclisme robotisé d’antan »
Passionné de vélo, Pascal Sergent est le fondateur de l’association « Les amis de Paris-Roubaix » et ancien président du comité Hauts-de-France du cyclisme. Auteur d’une soixantaine de bouquins sur le sujet, le Nordiste est également un consultant chevronné pour France Bleu ici Nord. Le commentateur livre ses attentes sur ce Tour de France 2025, qui s’est élancé de Lille le samedi 5 juillet dernier.

Cette année, le maillot à pois rouges fête ses 50 ans. Quelle est son origine et quel coureur en détient le record jusqu’à présent ?
Pascal Sergent : « La création du Grand Prix de la montagne du Tour de France et de son maillot à pois rouges date de 1975. D’abord patronné par la marque de chocolat Poulain, ce maillot a su résister à l’usure du temps. Son premier porteur emblématique est Lucien Van Impe, mais celui qui l’a le plus porté est Richard Virenque. Il convient, en revanche, de préciser que le porteur du maillot à pois rouges est évidemment un honnête grimpeur, mais pas forcément le meilleur. Il s’agit plutôt d’un coureur qui sait faire la chasse aux points, y compris dans les cotes de moindres importances. »

En tant qu’expert et commentateur, quel est votre pire, mais également votre meilleur souvenir du Tour de France ?
P. S. : « Mon meilleur souvenir date de quand j’avais 11 ans. C’était en 1969, le grand départ se faisait depuis Roubaix (Nord). Mon père m’avait emmené voir les premières étapes du Tour. Tout le monde pensait que le Belge Eddy Merckx allait gagner pour la première fois le prologue, qui est une épreuve individuelle en contre-la montre de 5 à 10 km et qui permet de décerner le maillot jaune. Mais Merckx s’est finalement fait battre par l’Allemand Rudi Altig. Voir passer le Tour de France lorsqu’on est un enfant, cela marque forcément. La preuve : je suis tombé dans la marmite et n’en suis jamais ressorti. Un autre souvenir marquant se déroule en 1994, lors d’une étape à Armentières (Nord). Un policier s’est déporté sur la route afin de prendre une photo, provoquant une impressionnante chute du grimpeur Laurent Jalabert et d’une dizaine d’autres coureurs. Laurent Jalabert s’est relevé en sang et a perdu une ou deux dents. Cette scène s’est quasiment déroulée sur mes pieds. »
Quelle étape de ce Tour de France 2025 attendez-vous particulièrement ?
P. S. : « Cela reste difficile à dire, puisque tout peut arriver à n’importe quel moment. Auparavant, il existait des étapes de transition où il ne se passait pas grand-chose, hormis un sprint à l’arrivée avec un classement quasiment fait à l’avance. Aujourd’hui, la course se déroule du début à la fin, avec des attaques qui peuvent survenir n’importe quand. Des champions comme le Slovène Tadej Pogačar ou le Belge Wout van Aert n’ont absolument pas peur d’attaquer à 100 km de l’arrivée et d’offrir un véritable spectacle. Auparavant, même les passionnés s’endormaient devant la télé. Nous sommes désormais dans un cyclisme flamboyant. Les coureurs mouillent le maillot durant des courses débridées, ouvertes et passionnantes. Sans oublier le fait que le Français Jonas Vingegaard et Tadej Pogačar feront le piment de ce Tour de France 2025. Autant de professionnels qui ne calculent pas et qui permettent d’avoir une course passionnante, loin du cyclisme robotisé d’antan. »
Comment décririez-vous les étapes qui traverseront la région Auvergne-Rhône-Alpes ?
P. S. : « Les cols de votre région, comme l’Alpe d’Huez, la Croix de Fer ou encore le Télégraphe, sont des endroits privilégiés et d’une beauté extraordinaire. L’étape auvergnate du Mont-Dore, bien qu’elle ne soit pas comme la montée du col de l’Izoard ou du col du Tourmalet, reste une montée exigeante. C’est d’ailleurs durant ces étapes de moyenne montagne que le Tour de France peut montrer des échappées dès le départ, capables de résister par la suite. Ces étapes intermédiaires constituent même parfois la crainte des coureurs, puisque les ouvertures peuvent permettre d’avoir des baroudeurs qui n’hésitent pas à mouiller le maillot et qui sont prêts à s’élancer à 150 km de l’arrivée. Ces étapes ajoutent donc du sel supplémentaire. Cette année, avec le duel Jonas Vingegaard contre Tadej Pogačar, nous allons en quelque sorte retrouver ce qui opposait Merckx à Luis Ocaña dans les années 1970 : un cyclisme d’épopée. »
Quel coureur faut-il particulièrement suivre cette année ?
P. S. : « Il est intéressant de suivre le Belge Remco Evenepoel, un jeune coureur qui a terminé troisième l’année passée. Concernant les Français, Romain Grégoire et Lenny Martinez sont d’excellents coureurs qui, dans les années à venir, monteront sur le podium. Je pense également au Lyonnais Paul Seixas, qui joue déjà dans la cour des grands du haut de ses 19 ans et qui a les qualités pour devenir un grand coureur. Il a fait un super parcours durant le Tour de Suisse, il faut donc lui laisser le temps de mûrir. »
Vous avez récemment affirmé au journal l’Équipe qu’au sein de la course Paris-Roubaix, les physiques des coureurs avaient fortement évolué. Dressez-vous le même constat pour le Tour de France ?
P. S. : « La qualité principale d’un vainqueur du Tour de France, c’est d’être un coureur complet : savoir escalader les cols, être bon en contre-la-montre et être agile dans un peloton. Durant le Paris-Roubaix, il est nécessaire d’avoir un certain gabarit afin de passer les pavés à 35 km/h durant 55 km de course. L’objectif est de rouler sur le centre des pavés qui sont bombés. Les coureurs doivent donc être costauds et avoir de la puissance, à l’image de l’Italien Francesco Moser ou d’Eddy Merckx. Des coureurs capables de performer sur les deux courses, comme Eddy Merckx ou Tadej Pogačar, il n’y en a qu’un seul par génération. »
Selon vous, le dopage est-il encore un sujet au sein du Tour de France ?
P. S. : « Le cyclisme a vécu une période complexe avec l’affaire Festina en 1998. Le dopage était alors poussé à son extrême. Actuellement, nous ne pouvons pas dire que les tricheurs n’existent plus, mais le cyclisme n’en reste pas moins le sport le plus contrôlé durant toute l’année. Quand un contrôle s’avère anormal, le coureur est suspendu et se plie à des analyses complémentaires. Des poissons passent encore entre les mailles du filet, mais nous avons tout de même un cyclisme plus propre aujourd’hui qu’il ne l’était il y a 25 ou 30 ans. »
Propos recueillis par Léa Rochon