À Château vieux, la passion du vin depuis 150 ans
Avec près de 15 ha de vignes et 50 000 bouteilles vendues chaque année, le domaine du Château vieux en Drôme des collines mise sur la qualité et fait la part belle à l’économie de proximité.

Dans la région romanaise, les domaines viticoles historiques ont disparu, laissant la place aux fruits et aux céréales. À Triors, le domaine du Château vieux et ses 12 ha font figure de résistant. Sur les sols sableux de ces flancs de coteaux, les générations successives cultivent de la vigne depuis 1872. Avec l’arrivée de Fabrice Rousset au début des années 1990, un virage s’est opéré : la fin progressive de la vente en vrac et l’ouverture d’une cave particulière. « Moi, ce qui m’intéressait, c’était de mener le produit de A à Z », explique le vigneron. Ce dernier, formé en viticulture et en œnologie et grand amateur de vin, se concentre désormais sur la qualité de ses produits en travaillant sur des cuvées parcellaires et avec l’élevage en petits fûts. Petit à petit, il acquiert aussi 3 ha autour de Tournon-sur-Rhône en appellation Saint-Joseph : « C’est un gros travail manuel, mais c’est un vin que j’aime beaucoup ».
Aujourd’hui, le domaine du Château vieux propose plusieurs vins rouges en syrah, AOC Saint-Joseph, mais aussi des IGP Pays de la Drôme, avec des cuvées telles que Marius, en l’honneur du père de Fabrice Rousset et ancien viticulteur du domaine, ou encore la Prestige avec des raisins exclusivement issus de vieilles vignes.
Une large gamme de rouges, blancs et rosés
Cette année une nouvelle cuvée va venir s’ajouter à la liste, avec des cépages hybrides, l’artaban et le vidoc, plantés il y a cinq ans puis vendangés et vinifiés pour la première fois la saison dernière. Une nouvelle expérience œnologique loin des habitudes de Château vieux, avec des saveurs plus boisées. « On aime bien jouer et tester des choses », confie Fabrice Rousset avec modestie. À ses côtés, son neveu et futur associé, Charles Tarravello, abonde : « Et ça permet d’élargir notre gamme. Bien que ces temps-ci la tendance soit plutôt sur le blanc. » Pour suivre le goût des consommateurs, un assemblage 100 % viognier vieilli en fût de chêne est d’ailleurs développé et largement plébiscité depuis trois ans. D’autres cuvées avec du marsanne et du roussanne sont également travaillées, ainsi que du rosé en merlot et syrah. « Depuis mes débuts, les palais se sont drôlement affinés, se réjouit Fabrice Rousset. On voit que même les jeunes ont des connaissances ! »
Parmi les clients de Château vieux, on compte une majorité d’habitués, dont certains depuis des dizaines d’années. Il y a aussi des touristes qui ont découvert le domaine pendant des vacances dans la Drôme et qui, depuis, sont restés fidèles à cette cave grâce à son site internet.
Les vins rouges, rosés et blancs du domaine du Château vieux sont labellisés HVE et produits avec le moins d’intrants possible. ©AD_PDeDeus - « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé ».
Résister aux crises viticoles
« Notre vin peut être expédié partout dans le monde mais pour nous, la priorité, c’est de vendre en local », explique Charles Tarravello. Un mode de commercialisation en direct qui leur permet, notamment, de viser le juste prix et de résister aux crises économiques et viticoles. « Le problème, c’est souvent la surproduction. Mais nous, de toute façon, on ne fait jamais plus de 40 à 50 hectolitres par ha, affirme Fabrice Rousset. Si on était resté dans le système dans lequel on était avant, on vivrait la crise nous aussi ! »
Une logique de résilience également adoptée pour le travail de la vigne. Depuis son arrivée, Fabrice Rousset a notamment troqué les herbicides contre le travail du sol. Et si le cuivre et le soufre restent utilisés, ils ne le sont qu’en proportion limitée selon la pression sanitaire. « Notre objectif, c’est de produire un vin avec le moins d’intrants possible. C’est une valeur que l’on a toujours portée dans la famille », assure-t-il. Peu d’intrants, y compris pour la vinification, avec une fermentation spontanée par le biais des levures naturellement présentes.
Malgré tout, le domaine du Château vieux n’échappe pas aux difficultés liées aux aléas climatiques. En 2019, les 12 ha du domaine ont été victimes de la grêle, causant près de 98 % de perte de rendement. Toutefois, s’il sait que ces situations risquent de devenir de plus en plus courantes, Fabrice Rousset n’envisage pas la protection dans l’immédiat : « Pour l’instant, on observe et ensuite, on avisera ».
Pauline De Deus
Une sixième génération prend la relève

Pour Charles Tarravello, le déclic naît du Covid. Comme pour la majorité des Français, l’activité de ce restaurateur montpelliérain est mise sur pause du jour au lendemain. Il rejoint alors sa famille dans la Drôme et commence à travailler au domaine du Château vieux avec son oncle. « Au bout de quelques mois, j’ai choisi », résume Charles Tarravello, laconique. S’il assure aimer ce travail dans toute sa diversité, l’héritage familial donne à ce projet une saveur particulière. Car autour de lui, aucun de ses deux frères, ni de ses quatre cousins et cousines ne se destinent à la viticulture. « Me dire que je suis la sixième génération à reprendre le domaine, c’est quelque chose qui me motive », confie-t-il. Alors qu’il a grandi à proximité du domaine, Charles Tarravello a vu dès son plus jeune âge son grand-père, puis son oncle, travailler dans les vignes.
Pourtant, s’il a toujours baigné dans le milieu, il estime qu’il lui manquait « le côté technique ». Sans diplôme agricole, il a appris sur le tas, avec de la pratique et des formations ponctuelles. Désormais, le jeune homme de 33 ans est en phase d’installation avec une validation des acquis de l’expérience (VAE). Son oncle et futur associé, Fabrice Rousset, pense quant à lui déjà à la reprise. S’il n’a que 52 ans, il souhaite que la transmission se fasse le plus tôt possible pour accompagner son neveu au mieux. « Le passage de relais pourra durer plusieurs années, confirme Charles. Car il faut tout apprendre, du travail de la vigne, à la cave, en passant par l’administratif. » Et pour ce qui est du devenir du domaine, le jeune vigneron assure qu’il veut poursuivre le travail mené par son oncle : « L’idée, c’est de maintenir la qualité de nos vins et peut-être d’élargir encore la gamme. Mais il n’y aura pas de grosse différence. »