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ARBORICULTURE

À Seyvet Fruits, la protection gage d’adaptation

À Châteauneuf-sur-Isère, Francis Seyvet dote progressivement ses vergers de filets paragrêles. Après plusieurs années consécutives de dégâts, la protection s’est imposée comme la seule solution pour maintenir ses productions de pêches et d’abricots.

À Seyvet Fruits, la protection gage d’adaptation
Francis Seyvet produit des fruits certifiés HVE à Châteauneuf-sur-Isère. En 2023, l’arboriculteur a équipé neuf hectares de filets paragrêle. Au fil des replantations, il envisage de couvrir l’intégralité de ses vergers. ©AD_PDeDeus

Pendant plus de vingt ans, Francis Seyvet avait toujours pu gagner sa vie principalement avec 18 ha de fruits, complété par 37 ha de céréales. Mais le changement climatique est venu bouleverser cet équilibre du jour au lendemain. Avant 2018, il assure n’avoir jamais vu la grêle sur cette exploitation familiale qu’il a reprise en 1996. Pourtant, depuis cinq ans, ces épisodes destructeurs sont devenus une douloureuse habitude pour l’arboriculteur de 47 ans. En 2019, l’intégralité des pêches et des abricots ont subi des dégâts. Rebelote en 2022 : la grêle a réduit la récolte de moitié. Mi-juin 2023, quand les grêlons ont, une fois encore, détruit des mois de travail en moins d’une demi-heure, Francis a eu le déclic : « En une semaine, j’ai pris la décision d’installer des filets paragrêles sur l’exploitation. Ce n’était plus possible de continuer comme ça, même avec une assurance contre la grêle, ça ne couvrait pas l’intégralité des frais. » Les pêches et abricots, qui représentent l’essentiel de la production et du chiffre d’affaires de l’exploitation, présentaient tous des impacts. « Parfois jusqu’à 30 sur un même fruit », témoigne l’arboriculteur. Il tente, en vain, de les vendre pour de la transformation en confiture ou en eau-de-vie, et même pour la consommation animale dans les zoos. Outre les quelques ventes en direct sur la ferme et les épiceries habituelles, la majeure partie de la production est finalement perdue, soit environ 180 tonnes de pêches et 160 tonnes d’abricots.

Le végétal affecté par la grêle

« Aujourd’hui je ne conçois plus de plantation sans protection contre la grêle », assure Francis Seyvet. À l’automne, il a choisi de couvrir 9 ha de vergers, principalement des jeunes arbres de moins de cinq ans. Car, d’après ce qu’a observé cet arboriculteur, la grêle affecte les fruits, mais aussi le bois. « Sur les arbres qui ont deux ou trois ans, il manque 30 % de pousse », assure-t-il. Un retard de croissance qu’il attribue directement aux épisodes de grêle dont les impacts sont encore visibles sur certaines branches. Malgré leur taille et la fraîcheur de ce mois d’avril, les fruitiers paraissent en bonne forme. Sur les branches, les abricots, les pêches et les nectarines commencent à grossir, laissant présager une belle récolte qui, cette fois, ne devrait pas être anéantie par les grêlons. « Mais je n’ai couvert qu’une moitié », nuance-t-il, inquiet. Francis Seyvet s’interroge aussi sur l’impact des canons contre la grêle installée à Mercurol en 2017. « Depuis, sur un couloir de 3 km de large, on est très nombreux à être touchés sévèrement », assure-t-il encore. En dehors de cette hypothèse, le climat reste la principale problématique.

En 2023, les fruits grêlés ont été refusés y compris pour la transformation en confiture. Seule une partie a pu être vendue en direct. © F.Seyvet

La diversification : une force face aux aléas

Pour faire face aux aléas et répondre à la demande du marché, Francis Seyvet a fait le choix de la diversification. Outre ses 13 ha de pêchers et d’abricotiers en production, l’arboriculteur cultive aussi des cerises et des pommes (sur 7 000 m² chacun) et des fraises sous serre depuis 2020 (2 000 m²). Dans ses vergers, il s’attache à multiplier les variétés, notamment une quinzaine en abricots et une vingtaine en pêches. « J’ai mis deux rangées par variétés sur différentes parcelles », détaille-t-il. Un choix payant face à certaines problématiques sanitaires et météorologiques. En l’occurrence, cette année, alors que les températures en dents de scie semblent avoir compliqué la pollinisation des Bergeron, d’autres variétés d’abricots comme les Flopria, Swired ou Pricia présentent des fruits déjà bien remplis.

Face au gel peu de solutions

Dans les vergers, les dix saisonniers de Seyvet fruits s’activent pour éclaircir les abricotiers. Depuis des années, ces habitués de l’exploitation ont vécu avec angoisse les aléas climatiques récurrents. « L’année dernière, c’est arrivé six ou sept fois… Il n’y avait rien à ramasser », se désole l’un d’entre eux en arrachant un fruit vert d’une branche. En cette fin avril, alors que le thermomètre a plusieurs fois flirté avec les températures négatives, c’est le gel qui inquiétait. En 2021, déjà, l’exploitation de Francis Seyvet avait subi des gelées noires. Mais face à cet aléa, aucune solution efficace ne semble se démarquer, d’après l’arboriculteur. Dans son exploitation, seule l’irrigation par aspersion sous frondaison est utilisée pour tenter de gagner un petit degré et de sauver la récolte.

Pauline De Deus  

Les filets en pratique

Les filets en pratique
Francis Seyvet produit des fruits certifiés HVE à Châteauneuf-sur-Isère. En 2023, l’arboriculteur a équipé neuf hectares de filets paragrêle. Au fil des replantations, il envisage de couvrir l’intégralité de ses vergers. ©AD_PDeDeus

Pour choisir ses filets paragrêle, Francis Seyvet a fait appel aux conseils d’un technicien indépendant, rencontré par le biais de son expéditeur. Il est aussi allé visiter d’autres exploitations arboricoles du secteur équipées de filets paragrêle. Pour ses 9 ha de vergers, l’agriculteur a finalement opté pour le système Bavette et le système WF proposés par Filpack, une société qui développe des protections pour les cultures depuis les années 1990. Sur des parcelles particulièrement soumises aux vents, et avec des filets installés à plus de 4 m de haut, Francis Seyvet gage que ces choix permettront une meilleure solidité.

30 000 € par ha

Concernant l’investissement, il compte environ 30 000 euros par hectare, dont 30 % de subventions par le fonds Feader. « Quand je parle du coût par hectare, ce sont les fournitures de bonne qualité, l’intervention de l’entreprise, la location de la nacelle et de la pelle et la main-d’œuvre personnelle », indique l’arboriculteur. En l’occurrence, Francis Seyvet s’est chargé d’installer les ancrages (enterrés à 1,50 m dans le sol) et le câblage, ce qui a demandé, à deux, un travail de deux mois et demi. Pour l’installation des poteaux, des filets et leur tension, il a préféré faire appel à l’entreprise pour s’assurer de la bonne mise en place de ce système censé rester en place plusieurs dizaines d’années. « Les poteaux doivent durer vingt ans et pour les filets, c’est vendu pour huit ans, mais tout dépend des intempéries », détaille-t-il. L’arboriculteur devra tout de même intervenir pour enrouler les filets à l’automne (afin d’éviter que la neige ne les dégrade) et les dérouler au printemps. « Il faut compter vingt heures par ha, précise-t-il. C’est sûr que c’est du travail en plus… Mais, même si c’est encore tôt pour le dire, je ne reviendrai pas en arrière. Je suis plus serein comme ça. »

Pauline De Deus