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Agrivoltaïsme

Abricots sous photovoltaïque : réguler le climat pour produire

Protection contre le gel, limitation de l’irrigation ou encore réduction des maladies fongiques. Les bénéfices attendus de la structure qui utilise la technologie agrivoltaïque dynamique sont multiples.

Abricots sous photovoltaïque : réguler le climat pour produire
Michel André souhaite pouvoir laisser à sa famille un outil de travail performant pour affronter le changement climatique. © ED

Les aléas climatiques mettent à mal l’arboriculture méditerranéenne. Les coups de gels sont de plus en plus violents et récurrents. Des entreprises de production sont menacées dans leur entité par les gelées de printemps. Il y a aussi la sécheresse de l’air en été, avec des périodes extrêmes durant lesquelles des blocages de croissance sur les plantes peuvent avoir des incidences sur l’année et la mise à fleur de l’année suivante.
Face à ces défis, la technologie agrivoltaïque dynamique se propose de répondre à ces nouvelles contraintes de la production fruitière. Pour rappel, l’agrivoltaïsme dynamique consiste en un système de persiennes équipées de panneaux solaires mobiles, situés au-dessus des plantations (fruitières, maraîchères, arboricoles) et à une hauteur suffisante pour permettre le passage des engins agricoles et ne pas perturber les écoulements d’air. Pilotées à partir d’algorithmes conçus sur mesure selon les besoins de la plante, de leur modèle de croissance ou encore des conditions météorologiques, les persiennes s’inclinent en fonction des nécessités d’ensoleillement ou d’ombrage, et des températures (gel, etc.). Ainsi, la protection des cultures face aux aléas climatiques veut s’accompagner d’une augmentation des rendements agricoles, d’une économie importante d’eau et d’une production d’énergie verte.

Découverte à La Pugère

En 2019, à l’occasion d’une visite du dispositif qui expérimente la technologie agrivoltaïque en verger depuis deux ans, sur la station de Mallemort (13), l’arboriculteur Michel André - qui dirige la société Saint-Félix, à Cavaillon - décide lui aussi d’innover. À la tête de 65 hectares de pommes, pêches et abricots en agriculture biologique, il a souhaité mettre en place la technologie Sun’Agri comme outil de protection climatique de ses cultures fruitières.
En 2020, il signe un protocole lui permettant de démarrer son projet. Ce dernier consiste à concevoir un dispositif agrivoltaïque protégeant un verger d’abricots en culture bio. Il doit attendre 2024 pour que l’installation, soutenue par la chambre d’agriculture de Vaucluse, aboutisse. Trois variétés d’abricots - Primassi, Delice Cot et Lady Cot - ont été plantées il y a quelques mois et seront cultivées sous ce dispositif agrivoltaïque. Ce sont les avantages agronomiques qui ont motivé Michel André à se lancer dans la technologie de l’agrivoltaïque dynamique.

Protection l’hiver mais aussi l’été

« L’abricot en bio est difficile techniquement, en raison du monilia contre lequel nous ne pouvons pas utiliser de fongicide chimique. Grâce à cette installation, nous allons limiter les pluies sur l’arbre. Le cuivre appliqué sera moins lessivé. L’abricot est aussi très sensible au gel. Le rayonnement au moment de la gelée sera limité et on peut espérer un gain de 1,5 °C. C’est souvent ce qui permet de passer pour sauver la récolte. L’été, l’ombrage des panneaux dynamiques doit aussi limiter l’évapotranspiration », explique l’arboriculteur.
En effet, les persiennes dynamiques apportent un ombrage quand la plante le réclame, et permettent à d’autres moments, selon ses besoins, de retrouver des conditions de pleine lumière.
Positionnés entièrement à plat, les panneaux peuvent ainsi assurer une couverture de la parcelle de 40 %. Michel André souhaite également utiliser la structure pour installer des filets paragrêles. Le pilotage intelligent du dispositif devra permettre notamment une modération des températures extrêmes, une réduction de - 30 % des besoins en irrigation et une diminution des dégâts et pertes sur les floraisons et fruits, liées aux brûlures, gels et autres aléas climatiques récurrents que subissent les vergers. La surface protégée par des persiennes agrivoltaïques est de 2,5 ha. La production annuelle prévisionnelle sur la parcelle agrivoltaïque est de 30 tonnes d’abricots bio par hectare.

Parcelle témoin indispensable

Différents équipements et capteurs seront installés sur le site, au niveau du sol et dans l’air : tensiomètres, compteurs connectés qui mesurent la consommation en eau sur la parcelle, stations météorologiques pour mesurer la température, l’humidité dans l’air, la pluviométrie et la vitesse du vent. Ces mêmes capteurs seront installés sur la zone témoin, pour comparer les données récoltées avec celles de la parcelle protégée.
Le projet comprend en effet une parcelle témoin de 0,3 ha non recouverte par les panneaux, permettant d’évaluer saison après saison l’efficacité des résultats obtenus. Le suivi agronomique de la parcelle sera effectué par la chambre d’agriculture du Vaucluse, et le suivi écologique du projet par la Ligue de protection des oiseaux Paca.
La puissance électrique installée est de 2,3 MWc, équivalents à la consommation électrique de plus de 600 foyers. Le projet représente un investissement global de 3,2 millions d’euros pour protéger le verger sur les prochaines décennies.
Ce projet s’ajoute aux 33 sites agrivoltaïques plantés et embarquant déjà la technologie Sun’Agri (comme celui de la station expérimentale Sefra dans la Drôme) sur le territoire national en 2024, et à ceux en cours d’étude ou de développement, pour une surface globale de 260 ha. Les récoltes 2023 sur ces sites ont démontré qu’un pilotage agronomique maîtrisé du microclimat peut non seulement préserver mais aussi augmenter les rendements, jusqu’à près de + 50 % pour certaines cultures. Mais sur le site de Cavaillon, il faudra tout de même attendre trois à quatre ans pour les premiers fruits.

Emmanuel Delarue 

Michel André souhaite pouvoir laisser à sa famille un outil de travail performant pour affronter le changement climatique. © ED

Douceur hivernale  sur abricotiers

Une étude de l’association « Conséquences » et de l’agroclimatologue Serge Zaka met en lumière les impacts de la douceur hivernale sur l’arboriculture en Région Sud, dans la Vallée du Rhône ou en Occitanie. L’étude montre comment le climat du futur, en fonction des scénarios d’émissions de gaz à effet de serre, va rendre certaines cultures comme l’abricot impossible dans les régions où elles existent aujourd’hui. En croisant les données de besoins climatiques de la culture sur la variété Bergeron, les projections climatiques multimodèles régionalisés et différentes données (vernalisation, date de floraison, date de maturité, coulure autour de la floraison, dégâts dus au gel, sécheresse entre la floraison et la maturité, risque de gel inférieur à - 20 °C, nombre de jours supérieurs à 35 °C), les aires de répartition de la culture et leurs évolutions ont été simulées, en se basant sur un scénario du Giec visant la poursuite de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre au rythme actuel et un horizon de réchauffement de + 4 °C en France d’ici 2100. On voit clairement un glissement de l’aire de répartition vers le nord et l’est d’ici 2040-2060, avant une incompatibilité croissante d’ici 2080. 
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