Accueil pédagogique : quand l’école vient à la ferme
Faire visiter une exploitation agricole par des enfants ne s’improvise pas. Mathilde Facy, salariée de la ferme du Valentin à Bourg-lès-Valence (Drôme) est en charge de cette activité depuis dix-huit ans. Elle partage son expérience.

Un jeudi du mois de mai, 9 heures du matin sous un soleil déjà franc, une classe de vingt-six enfants de petite section d’une école de Valence descend du bus. Son programme de la matinée : découverte des vaches, de la production de lait, visite de la stabulation, fabrication et dégustation de beurre. La visite a lieu à la ferme du Valentin à Bourg-lès-Valence, exploitation rattachée à l’établissement public d’enseignement et de formation professionnelle agricole.
Chaque année, entre 1 600 et 1 800 enfants ont la chance de découvrir cette ferme. L’accueil pédagogique représente 5 % du chiffre d’affaires de l’exploitation qui compte un troupeau de 45 montbéliardes (70 % du CA ; 250 000 litres de lait collectés par Biolait ; 20 000 litres valorisés en vrac au point de vente La musette de Valentine) et 65 ha de SAU conduits en agriculture biologique dont 4,4 ha de vergers (20 % du CA) et 0,6 de vignes (5 % du CA).
Trente enfants maximum par animation
Mathilde Facy, salariée agricole polyvalente et responsable de l’atelier arboricole, pilote aussi depuis dix-huit ans l’activité de ferme pédagogique. Titulaire d’un BTS agricole et d’un brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur (Bafa), elle accueille une classe ou un centre de loisirs quatre matinées par semaine du 1er mars au 15 juillet, avec une interruption pendant la récolte des cerises, et deux à trois classes par semaine de mi-septembre à mi-décembre. « Au maximum trente enfants par animation, insiste Mathilde Facy. Au-delà, ce n’est pas gérable. Parfois les écoles demandent de venir à deux classes pour rentabiliser le déplacement en car. Cela implique de réfléchir avec les enseignants à comment occuper l’autre groupe pendant l’animation. »
La jeune femme accueille des tout-petits, dès la crèche, jusqu’à des collégiens de 6e ou 5e. « Avec les plus petits, il faut se mettre dans un rôle, raconter une histoire. L’animation tourne beaucoup autour de questions, précise-t-elle. L’objectif est de les emmener vers une réponse qu’ils auront eux-mêmes trouvée pas de leur faire un exposé.»
Dégustation indispensable
« Le plus important est qu’en repartant, ils aient retenu que la vache fait un veau pour avoir du lait et que le métier d’agriculteur, c’est de nourrir les Hommes. Les animations doivent se terminer par une dégustation », résume-t-elle.
Pour l’animation sur le lait, les plus petits font d’abord connaissance avec Valentine, une vache en bois. Mathilde Facy leur fait découvrir sa physionomie et le vocabulaire qui entoure l’animal. Ensuite, ils se rendent dans la stabulation où les attendent les montbéliardes. Durant une vingtaine de minutes ils vont pouvoir observer les animaux derrière les cornadis et poursuivre leur découverte. Puis, ils rendront visite aux veaux, découvriront la salle de traite et le principe de la traite grâce à un pis factice bricolé par l’animatrice. Enfin, direction la salle de dégustation. « Étant donné que nous vendons notre lait et qu’il fait l’objet d’analyses, nous pouvons faire déguster du lait frais, prélevé le matin même au tank. Je leur fais également fabriquer du beurre qu’ils dégustent sur du pain livré par le boulanger qui approvisionne La musette de Valentine. Pour le beurre, je suis dans l’obligation d’acheter de la crème du commerce car l’exploitation n’en commercialise pas. Elle n’est donc pas autorisée à en fabriquer pour des dégustations », souligne Mathilde Facy.
« C’est une animation, pas une visite guidée »
Avec les collégiens, la visite permet d’aborder les questions de reproduction, de transformation du lait… « Les enseignants sont ravis. On balaye les notions qu’ils voient tout au long de l’année en cours de sciences de la vie et de la terre (SVT) », poursuit l’animatrice. Elle adapte aussi à la demande ses animations pour des maisons de retraite - il faut alors prévoir des chaises pour les visiteurs - ou pour des instituts spécialisés accueillant des enfants en situation de handicap. « Dans tous les cas, il est essentiel de rendre le public acteur. C’est une animation, pas une visite guidée. Un enfant retient les choses en faisant. Il doit pouvoir toucher, manipuler », conseille Mathilde Facy.
La ferme propose aussi trois autres animations : sur la production de fruits (au moment de la récolte des pommes), sur les céréales avec fabrication de pain et sur le potager avec semis et récolte de légumes. Ainsi, les classes peuvent revenir plusieurs années de suite. « Bien-sûr, les animaux attirent davantage les écoles. Mais avec des animations sur le maraîchage ou les fruits, on peut aussi les faire venir, assure-t-elle. Nous débordons de demandes et sommes obligés d’en refuser. Cela pourrait être intéressant de travailler sur un réseau local de fermes pédagogiques. » Elle invite les agriculteurs tentés par l’expérience à se lancer. « Parfois, simplement accueillir l’école de son village est un plus. Cela permet de casser les préjugés et communiquer positivement sur le métier. »
Sophie Sabot
Au forfait pour les petits effectifs

À la ferme du Valentin, l’animation demi-journée (durée : 2 h à 2 h 30) est proposée au tarif de 5,50 euros par enfant. Pour 11 euros, il est possible de passer la journée sur place (pique-nique organisé par les enseignants) et de bénéficier de deux animations. En dessous de vingt enfants, l’animation est facturée au forfait : 110 euros pour la demi-journée, 220 pour la journée. « Nous nous sommes rendus compte qu’accueillir 15 ou 20 enfants nécessite autant d’organisation », commente Mathilde Facy. Avec ces tarifs, elle estime que sont tout juste couverts les frais liés au salaire de l’animateur* et les consommables. « La tarification prévoit aussi le temps de préparation et de ménage après la dégustation », précise l’animatrice. Augmenter les tarifs peut s’avérer difficile car les écoles disposent souvent d’un budget très limité et fortement impacté par le coût du transport. « On ne vit pas de l’accueil pédagogique, reconnaît l’animatrice. Mais il peut constituer un complément en période creuse. »
S.S.
* Mathilde Facy assure l’essentiel des visites. Une de ses collègues en charge de la viticulture la relaye parfois. À noter, la ferme du lycée du Valentin est gérée par un directeur qui dépend de l’enseignement agricole et quatre salariés de droit privé.
Prévoir un contrat de réservation

Toute réservation s’accompagne de la signature d’un contrat entre le directeur de la ferme du Valentin et le responsable du groupe. Ce contrat précise notamment le nombre d’enfants, leur âge, le nombre d’accompagnateurs, les conditions d’encadrement, les consignes de sécurité, les recommandations sur la tenue des enfants, la préparation de la visite… « Nous avertissons par exemple le responsable du groupe des risques d’allergie (venin d’abeilles, gluten, lait cru, foin, poil de vache…). C’est donc lui qui prend les dispositions nécessaires », précise Mathilde Facy. Enfin, le tarif TTC de la prestation est précisé sur ce document.
S.S.
À savoir avant de se lancer

« Il faut bien distinguer la ferme d’animation, souvent située en milieu périurbain et comptant quelques animaux mais pas d’activité agricole à proprement parler, de la ferme pédagogique dont le support est l’exploitation », souligne Séverine Mounier, conseillère agritourisme à la chambre d’agriculture de la Drôme et animatrice du réseau Bienvenue à la ferme (BAF). En Drôme, le réseau BAF compte six fermes à vocation pédagogique, qui font partie d’une offre plus large de vingt-cinq fermes de découverte.
En termes de réglementation, lorsqu’il s’agit d’accueil à la ferme en journée, dans un cadre scolaire ou périscolaire, les enfants restent sous la responsabilité de la structure qui les encadre pour cette sortie. L’exploitant agricole n’a donc pas d’obligation d’agrément (sauf décision locale de l’inspecteur de l’éducation nationale). En revanche, il doit effectuer une déclaration en mairie comme établissement recevant du public (ERP). Il doit également vérifier auprès de son assureur qu’il dispose d’une couverture responsabilité civile professionnelle relative à l’accueil ainsi que les risques couverts. En termes d’équipements, Séverine Mounier conseille, au minimum, un lieu pour accueillir à l’abri (salle, hangar…) et des sanitaires (lavabo et w.-c).
Concevoir son animation
Parmi les pré-requis, « mieux vaut être à l’aise dans son expression orale et tester la durée de sa présentation », indique la conseillère. Elle livre quelques astuces pour bien démarrer : assister à l’animation d’un autre agriculteur, commencer avec un enseignant de l’école de son village, rejoindre un réseau associatif d’accueil à la ferme ou se rapprocher de la chambre d’agriculture de l’Isère qui propose, sur trois jours, une formation « Démarrer une activité de ferme pédagogique ».
Côté communication, Séverine Mounier reconnaît que les stratégies sont très variables : « Certains communiquent beaucoup, d’autres entrent en contact avec quelques écoles puis le bouche-à-oreille fonctionne… Les exploitants intéressés peuvent aussi s’appuyer sur les supports de communication des réseaux auxquels ils adhèrent. »