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Agrivoltaïsme : un décret et une ministre sur le terrain

Vendredi 12 avril, Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire avait choisi la Drôme pour parler d’agrivoltaïsme

Agrivoltaïsme : un décret et une ministre sur le terrain
Agnès Pannier-Runacher (au centre) a écouté attentivement les explications de Christian Clair (veste beige), exploitant agricole à Loriol-sur-Drôme qui a implanté un verger de 2,7 ha de cerisiers sous persiennes solaires mobiles, un projet construit avec la société Sun’Agri. ©S.S.-AD26

Le décret relatif au développement de l’agrivoltaïsme et aux conditions d’implantation des installations photovoltaïques sur des terrains agricoles, naturels ou forestiers a été publié au Journal officiel le 9 avril. Le 12 avril, Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Agriculture, était sur le terrain, à Loriol-sur-Drôme, pour échanger sur le nécessaire encadrement de l’agrivoltaïsme et sur les bénéfices attendus pour l’agriculture. La rencontre s’est déroulée à l’EARL Clair Fruits qui a implanté en 2023 un verger de 2,7 ha de cerisiers sous persiennes solaires mobiles. La première récolte est attendue pour 2025.

L'installation agrivoltaïque est portée par un investisseur privé. « Nous ne payons rien et nous ne recevons rien sur la production d'électricité mais nous bénéficions de la protection des persiennes sur nos vergers », confiait Adrien Clair lors d’un précédent reportage. Le projet a été construit avec la société Sun’Agri qui gère les paramètres de pilotage de l'installation et s'engage à garantir « un ensoleillement adapté à la culture et à ses objectifs de production ». À côté de ce verger agrivoltaïque, une parcelle témoin, implantée elle aussi en 2023, permet de mesurer les effets de l’installation agrivoltaïque sur la culture (rendement, consommation d’eau, résistance au gel…). Antoine Nogier, fondateur de Sun’Agri, a précisé que le taux maximal de couverture du verger est ici de 39 % [lorsque les persiennes sont à l’horizontal, ndlr] et qu’il passe à 23 % en période végétative.

1 % de la SAU en agrivoltaïsme d’ici 2030

Le décret publié le 9 avril pose une limite de 40 % de taux de couverture des sols par les installations agrivoltaïques, « pour limiter les risques de baisse des rendements », a précisé le gouvernement dans un communiqué. Par ailleurs, le décret établit que « pour l’ensemble des installations agrivoltaïques hors élevage », la moyenne du rendement par hectare sur la parcelle concernée devra être « supérieure à 90 % de la moyenne du rendement par hectare observé sur une zone témoin ou un référentiel en faisant office ». Côté élevage, le caractère significatif de l’activité agricole pourra être apprécié, notamment, « au regard du volume de biomasse fourragère, du taux de chargement ou encore du taux de productivité numérique ». 

À Loriol, Agnès Pannier-Runacher a rappelé que ce décret est avant tout une application de la loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables (Aper), adoptée en mars 2023. Dans un contexte d’urgence climatique, « il s’agit de sortir des énergies fossiles et de développer les énergies bas carbone », a souligné la ministre. L’objectif est de déployer l’agrivoltaïsme sur 1 % de la SAU française d’ici 2030.

Un arrêté sur les contrôles et sanctions

« Sur les terres agricoles, l’ordre de priorité c’est la production agricole d’abord, la production énergétique ensuite », a-t-elle affirmé. Elle voit aussi dans ces technologies un « élément de réponse » pour protéger les cultures des aléas climatiques voire dans certains cas améliorer leur rendement. Elle n’a pas hésité non plus à évoquer l’hypothèse d’un « complément de revenus » que pourrait fournir l’agrivoltaïsme aux filières « qui souffrent beaucoup en ce moment », comme l’élevage ovin. « Mais cela suppose d’être bien encadré. Il ne pourra y avoir de projet “prétexte”, c’est écrit noir sur blanc dans la loi. Les dispositifs agrivoltaïques seront contrôlés et donneront lieu à des sanctions », a-t-elle averti avant de préciser que l’arrêté sur les contrôles et sanctions sera publié dans les deux prochaines semaines [soit avant fin avril, ndlr].

Second volet important du décret du 9 avril, les installations photovoltaïques au sol sur des zones « impropres à la production agricole ». Agnès Pannier-Runacher a rappelé qu’il avait été demandé aux chambres d’agriculture de « travailler avec les autorités préfectorales pour définir tous les terrains qui seraient propices au photovoltaïque au sol ». En résumé de circonscrire par département les zones où de tels projets pourront être étudiés. Ceux-ci devront obligatoirement être soumis à l’avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPenaf), selon une « doctrine » départementale, définie sous l’autorité du préfet, qui la transposera ensuite en arrêté. Thierry Mommée, élu de la chambre d’agriculture de la Drôme, et Marc Fauriel, président du comité technique départemental de la Safer, ont souligné qu’en Drôme, un important travail a déjà été mené dans ce sens avec les services de l’État. Thierry Mommée a toutefois rappelé que le « support prioritaire » pour le photovoltaïque reste les toitures. 

Partage de la valeur

Gilbert Guignand, président de la chambre régionale d’agriculture d’Auvergne-Rhône-Alpes, et Thierry Mommée ont aussi questionné la ministre sur le partage de la valeur créée par la production d’énergie. Comment une partie de cette valeur pourra-t-elle revenir aux territoires ? D’autant que les agriculteurs ne seront pas tous égaux devant la possibilité de développer l’agrivoltaïsme. Yvan Jarnias, représentant des Jeunes Agriculteurs Drôme et Aura, l’a illustré sur son territoire des Baronnies où, pour l’instant, il n’existe pas de poste source* permettant de raccorder de telles installations. 

En ce qui concerne le partage de la valeur, Pascal Lecamp, député Modem de la Vienne qui avait fait le déplacement à Loriol, a assuré qu’un groupe de neuf députés travaille à l’élaboration d’un projet de loi pour « permettre la réinjection d’une partie du bénéfice de la production énergétique sur le territoire. Pourquoi pas pour financer des projets alimentaires de territoire (PAT) ». 

Après sa visite à l’EARL Clair Fruits, la ministre Agnès Pannier-Runacher s’est rendue en Isère, sur le site Méthavarez à Auberives-sur-Varez. Là encore, pour parler de la contribution de l’agriculture à la production d’énergies renouvelables mais dans un tout autre registre : celui de la méthanisation. 

Sophie Sabot

*Jeanine Doppel, directrice territoriale Enedis Drôme Ardèche, a rappelé que RTE avait inscrit au schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR) la création d’un poste source à Buis-les-Baronnies. L’objectif de ce schéma pour la région Aura est d’accueillir 7 600 MW d’énergies renouvelables supplémentaires sur les réseaux électriques d’ici 2030.