Aider la nature à recharger les nappes
Catherine Bertrand, universitaire à Besançon, supervise le travail qu’une de ses étudiantes mène dans l’Ain en partenariat avec Jeunes Agriculteurs (JA). Le but est de déterminer si aider la recharge de nappes phréatiques est une approche réaliste.

Qu’il pleuve ou qu’il fasse sec n’influe pas toujours directement sur le remplissage des nappes phréatiques. La nature, de ce point de vue, adopte des fonctionnements beaucoup plus complexes. Mais serait-il envisageable de l’aider, afin que la recharge de ces nappes soit optimisée, ou du moins, favorisée ? Cette question, Catherine Bertrand y est confrontée de multiples manières : d’abord dans ses fonctions de maîtresse de conférences au sein de l’université Louis-et-Marie Pasteur de Besançon et de chercheuse pour le laboratoire Chrono-environnement. Mais Catherine Bertrand explore aussi cette question de manière indirecte, en supervisant les travaux d’une de ses étudiantes de l’université franc-comtoise en seconde année de Master Sciences de l’eau. Cette dernière est impliquée, dans le cadre d’un apprentissage, auprès de Jeunes Agriculteurs de l’Ain pour y mener un travail d’étude portant sur cette possibilité de participer à la recharge des nappes souterraines.
Focus sur les Dombes
« Il faut garder à l’esprit, précise Catherine Bertrand, que les eaux souterraines ne sont pas totalement déconnectées des eaux de surface. Il existe des connexions entre les cours d’eau et ces eaux souterraines. Les nappes phréatiques se rechargent soit par la pluie, soit par des liens entre eaux de surface et eaux souterraines. C’est ce qui explique, par exemple, que même dans les périodes où il ne pleut pas pendant longtemps, il y a toujours de l’eau dans certains lits de rivières, parce que le débit de ces cours d’eau est alimenté de manière souterraine. » Dans le département de l’Ain, c’est plus particulièrement sur la zone des Dombes, riche en étangs, que l’étudiante a jeté son dévolu. Elle présente une occupation agricole des sols, sur des terrains plutôt imperméables. Dans ce cas de figure, la recharge des nappes souterraines se fait principalement par les pluies. « Mais cette recharge, poursuit Catherine Bertrand, ne se fait pas de manière instantanée. Ce n’est pas parce qu’il pleut que la recharge se fait automatiquement, il y a un cycle de l’eau : quand il pleut, une partie de cette eau s’évapore, une autre partie va ruisseler, une autre, encore, va s’infiltrer dans le sol et alimenter une réserve facilement utilisable par les plantes. L’été, c’est dans cette réserve que les plantes puisent pour combler leurs besoins en eau. Mais, une fois qu’elles arrêtent de puiser dans cette réserve, celle-ci se remplit et le surplus va alors alimenter les réserves souterraines. C’est pourquoi on dit que les nappes phréatiques se rechargent en hiver, lorsqu’il n’y a pas d’activité végétale et qu’elles se vident en été lorsqu’il ne pleut pas et que l’eau est exploitée, ou qu’elle s’écoule naturellement vers les exutoires. »
Remettre des zones humides
Tout cela constitue le cycle normal de l’eau. Mais si vous ajoutez à cela le besoin de puiser de l’eau pour des buts divers (alimenter des particuliers, des agriculteurs, de l’industrie…) et si on exploite plus d’eau qu’il n’en rentre, on parvient à un véritable souci d’appauvrissement des eaux souterraines. Ainsi, dans les Dombes, on se rend compte que la piézométrie (mesure de profondeur de la surface de nappes d’eau souterraine) diminue au fil du temps. « Ce n’est pas seulement dû à l’effet de sécheresse, souligne l’universitaire, c’est la conséquence de la combinaison d’éléments avec des pluies qui se répartissent de manière différente dans l’espace mais surtout dans le temps. En parallèle, on continue à exploiter cette eau, notamment pour des besoins agricoles. Il faut donc trouver une solution pour aider les nappes souterraines à se recharger. »
L’étude menée ne perd jamais de vue que la façon la plus naturelle de recharger les nappes phréatiques, c’est de remettre des zones humides. Il faut de la prairie, des zones tampons pour que l’eau s’y accumule avant d’être tranquillement restituée aux nappes. Mais cette approche n’est pas toujours évidente à conjuguer avec les besoins agricoles. L’étude est jalonnée de différentes phases : établissement de profils de sols, caractérisation du sous-sol, mesures de perméabilités. « Ce type d’opportunité nous permet de former les étudiants pour qu’ils acquièrent une approche systémique à l’échelle d’un bassin-versant et pour qu’ils parviennent à faire émerger des diagnostics de dysfonctionnement, dans le but de trouver des solutions. » D’autres travaux de ce type, fondés sur la remédiation naturelle, ont été menés, ailleurs en France, selon l’universitaire franc-comtoise. On y examine aussi les possibilités de récupérer des eaux pluviales et de les réinjecter dans les eaux souterraines. Travailler sur la recharge artificielle se comprend bien sûr de manière quantitative, mais aussi sous l’angle qualitatif des eaux réinjectées. Une question qu’il faudra se poser dans une prochaine étape de ce travail au long cours.