Apiculture et ferme pédagogique : Isabelle Roux a trouvé sa place
À Marches, à une dizaine de kilomètres au sud-est de Romans, Isabelle Roux est apicultrice depuis six ans et gère depuis deux ans une ferme pédagogique. Sa fille Olivia projette de la rejoindre sur l’exploitation. Bienvenue au Rucher de Marches dans les pas d’une ancienne volleyeuse.

Du sport à l’apiculture, il y a un pas plutôt conséquent qu’Isabelle Roux a franchi avec succès. L’ancienne volleyeuse semi-professionnelle, entraîneuse et éducatrice sportive dans une autre vie, était sans doute armée pour réussir. « Le monde du sport, ça forge le caractère », souligne-t-elle.
Il lui aura fallu presque cinq ans pour passer d’un monde à l’autre. « J’ai depuis mon enfance des problèmes de dos. Malgré tout j’ai persévéré dans le sport mais, en 2013, le chirurgien m’a dit stop », raconte Isabelle Roux. Son attirance pour l’agriculture, née d’une enfance à la campagne, refait alors surface. « Mon envie, c’était d’élever des brebis. Mais sans parents agriculteurs et donc sans terres, ça s’annonçait très compliqué », reconnait-elle. Au même moment, un ami lui fait découvrir le travail des ruches. L’apiculture est alors une révélation. « Je me suis lancée dans un BPREA option apicole que j’ai obtenu en 2015. Durant trois ans, j’ai continué dans le sport tout en augmentant le nombre de ruches jusqu’à 200. Je me suis installée avec la DJA le 1er janvier 2018 », poursuit Isabelle Roux.
Handicap et aménagements
Ses problèmes de dos lui valent la même année une reconnaissance comme travailleur handicapé. Mais ce n’est que deux ans plus tard qu’elle découvre qu’elle peut prétendre à un accompagnement de la MSA pour aménager son outil de travail. « Je me suis équipée d’un gerbeur, d’un valet de ferme et nous avons réalisé en autoconstuction des travaux dont l’élargissement des portes et la création d’un quai. Sur les 48 000 € d’investissement, j’ai pu obtenir plus de 50 % d’aides. Le seul regret, c’est d’avoir su trop tard que la MSA pouvait m’aider dans la conception de la miellerie et donc de n’avoir pu revenir sur certains aménagements déjà en place », précise l’apicultrice.
En 2019, l’opportunité se présente de récupérer en fermage un petit terrain communal jusqu’alors en friche. Isabelle Roux acquière ses premières brebis puis monte à une trentaine en récupérant d’autres petites surfaces. La totalité de l’exploitation, ruches comprises, passe alors en bio. La viande des agneaux, abattus à Romans et découpés pour l’instant à l’atelier Troupéou de Mornans dans l’attente d’une solution plus proche, est vendue en caissettes (1/2 agneau).
Ferme pédagogique : un défi lancé à sa fille
En 2022, une autre activité voit le jour sur l’exploitation : celle de ferme pédagogique. « C’est un défi que j’ai lancé à ma fille qui se plaignait de ne pas trouver de boulot pendant les vacances. Je lui ai dit tu n’as qu’à monter une ferme pédagogique », plaisante l’exploitante. La possibilité de racheter 4000 m² de terrain en friche et de récupérer 1 ha en location concrétise l’idée. La ferme pédagogique a ouvert ses portes en octobre 2022 avec une multitude d’animaux : poneys, vache, lapins, cochons, chèvres, brebis… Elle constitue un atelier supplémentaire pour Isabelle Roux, qui souhaite « montrer aux enfants deux catégories d’animaux : ceux de compagnie que l’on peut caresser, et ceux d’élevage que l’on n’approche pas car ils répondent à une réglementation stricte ». Objectif de la visite : dédramatiser le fait que certains animaux sont destinés à la boucherie et surtout comprendre d’où vient ce que l’on trouve dans son assiette. Le lieu accueille des écoles, des centres de loisirs, plus récemment un institut médico-éducatif… Durant les vacances scolaires, un stage « Petit paysan » est également proposé le matin aux enfants de 3 à 12 ans sur inscription. L’après-midi, Isabelle Roux organise des stages à la miellerie : préparation culinaire à base de miel, fabrication de bougies de cire… Elle encadre jusqu’à dix enfants. L’occasion de valoriser l’expérience acquise en tant qu’éducatrice sportive dans les écoles.
La participation chaque année en avril à l’opération de Ferme en Ferme, l’organisation d’une journée porte ouverte en octobre et une page Facebook proche des mille abonnés offrent au Rucher de Marches une bonne visibilité pour promouvoir ses activités. « La ferme pédagogique représente environ un tiers du chiffre d’affaires. Les produits de la ruche restent la part principale », précise Isabelle Roux.
Installation d’Olivia en projet
Une nouvelle page pourrait s’écrire cette année avec le projet d’Olivia, 19 ans, de rejoindre sa mère. La jeune femme actuellement en BPREA au Valentin démarre son accompagnement à l’installation avec la chambre d’agriculture. Tout reste à imaginer mais les projets sont multiples : monter à 70 brebis (noir du Velay et quelques mérinos) et développer la vente de viande en caissettes et de plats transformés, créer des animations autour de la valorisation de la laine des mérinos, lancer un atelier porcs plein air pour la vente de viande fraiche et de charcuterie... La présence d’Olivia permettrait aussi de diversifier l’activité pédagogique notamment avec une activité autour des poneys, la jeune femme ayant déjà validé sa première année de monitorat d’équitation et souhaitant rapidement valider la deuxième.
Isabelle Roux a pleinement conscience que son exploitation est atypique dans un paysage agricole local plus traditionnel. « Mon modèle est celui des fermes d’avant : plusieurs ateliers à petite échelle pour pouvoir vendre en direct l’intégralité de mes productions et assurer une sécurité si je rencontre un problème sur l’un des ateliers », insiste-t-elle. Et son modèle semble fonctionner puisque ses trois enfants rêvent désormais de se lancer dans l’agriculture, Olivia d’abord et ses deux jeunes frères par la suite.
Sophie Sabot
L’exploitation en bref
- Située sur deux sites éloignés de 2 km : la miellerie (Rucher de Marches) et la ferme pédagogique (La petite ferme de Maoliga).
- 180 ruches. Miel et autres produits dérivés alimentaires (bonbons, noix au miel, pains d’épices…) et cosmétiques (baumes aux macérats de plantes, savons) commercialisés lors de l’opération de Ferme en Ferme, d’une journée porte ouverte, au point de vente de la ferme tous les mardis soir, au magasin de producteurs Collines Bio à Bourg-de-Péage et dans quelques boutiques locales.
- 55 brebis, valorisation des agneaux en caissettes et bientôt en plats préparés.
- Test en cours sur l’élevage de porcs fermiers pour valorisation en caissettes et charcuterie.
- Une dizaine d’hectares disponibles, objectif : passer à 20 ha pour assurer l’autonomie alimentaire en fourrage et céréales.
- Toutes les productions sont certifiées bio.
- Activité de ferme pédagogique toute l’année (accueil de classes, centres de loisir, stages pour les enfants pendant les vacances, anniversaires à la ferme…)
- 100 000 euros d’investissements depuis la création de l’exploitation pour le matériel, véhicule et bâtiment en autoconstruction.
Diversifier l’atelier apicole
« En général, je transhume mes ruches dans un rayon de 40 km autour de la miellerie, excepté un emplacement près du Mézenc pour le miel de montagne », précise Isabelle Roux. Les années où le climat est favorable, elle parvient à proposer sept types de miel : acacia, tilleul, châtaignier, montagne, lavande, toutes fleurs et sapin. L’apicultrice envisage de développer une production de gelée royale, plus exigeante en temps de travail, mais aussi plus rémunératrice. Une nouvelle étape qui sera rendue possible si sa fille Olivia la rejoint sur l’exploitation. Elle souhaite aussi proposer des activités autour de l’apithérapie, domaine dans lequel elle a déjà suivi une formation approfondie.
S.S.
