Assises de l'eau : une feuille de route en cinq axes
Quatre mois après le lancement des Assises de l'eau, la concertation entre usagers de l'eau a accouché d'une feuille de route. Cependant, des clivages demeurent et l'agriculture reste au centre des débats.

Relever par le dialogue le défi du partage de l'eau, c'est le but fixé par les Assises de l'eau lancées par la préfecture, l’Agence de l’eau et le Département de la Drôme. Après une première réunion le 1er décembre dernier, les participants - élus, services de l’État, chambres consulaires, représentants du monde agricole et des autres secteurs d'activité, associations et fédérations… - ont approfondi leurs réflexions lors de quatre ateliers, entre février et mars. Le 12 avril à Upie, tous ont été conviés à découvrir et réagir à un projet de feuille de route pour une gestion équilibrée de la ressource en eau en Drôme.
Stockage de l'eau : des clivages qui perdurent
Cinq axes ont été retenus : agir sur tous les usages et consommer moins d'eau ; optimiser l'utilisation de la ressource en eau ; agir sur la gouvernance, l'appui technique et financier ; partager les connaissances, informer et sensibiliser ; penser ensemble le territoire de demain. Les deux premiers ont particulièrement fait réagir la salle et montrer à quel point les clivages seront difficiles à surmonter, en particulier sur le stockage de l'eau en agriculture. Pour certains, stocker l'eau est une sécurité en cas de sécheresse ; pour d'autres, cela n'encourage pas à changer de modèle agricole.
« Il faut arrêter de se faire peur sur le stockage de l'eau et cela dans l'intérêt de tous les usages et usagers de l'eau », a dit Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d'agriculture de la Drôme. ©CL-AD26
« Le manque d'eau nous oblige à aller vers la sobriété et il est important de repenser notre modèle agricole productiviste », a notamment déclaré un administrateur de l’association Agribiodrôme. Un propos qui n'a pas manqué de faire réagir Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d'agriculture de la Drôme. « Les pratiques agricoles évoluent depuis trente ans. Aujourd'hui, on irrigue de plus en plus d'hectares avec de moins en en moins de prélèvements sur les milieux », a-t-il fait remarquer. Par ailleurs, « il faut arrêter de se faire peur sur le stockage de l'eau et cela dans l'intérêt de tous les usages et usagers de l'eau », a-t-il ajouté.
D'autres représentants agricoles sont intervenus pour évoquer l'agriculture de précision, l'agroforesterie ou encore les techniques facilitant l'infiltration de l'eau dans les nappes phréatiques. « Quand un particulier utilise 100 m² de toiture pour stocker l'eau, on dit que c'est bien ; mais quand un agriculteur souhaite faire du stockage sur une partie de ses terres , on dit que c'est mal, a fait remarquer Christian Nagearaffe, nuciculteur dans le Nord-Drôme. Il faut de la cohérence. »
Trouver du consensus avec des PTGE
Face à la salle, étaient invités à réagir Véronique Simonin (sous-préfète de Die), Éric Phélippeau (vice-président chargé de la Transition écologique, de l'environnement et de biodiversité au conseil départemental de la Drôme), Nicolas Alban (directeur de la délégation régionale de l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse), Anne Hilleret, (adjointe au groupe appui territoires transitions à la direction Centre-Est du Cerema). ©CL-AD26
Plusieurs agriculteurs ont souligné le maintien d'une pluviométrie stable, à hauteur de 850 mm par an sur la Drôme. L'un d'entre eux a pointé la politique de restriction d'irrigation en place depuis plus de trente ans, estimant nécessaire de « renverser la table ». Ce à quoi, Éric Phelippeau, vice-président chargé de la Transition écologique, de l'environnement et de biodiversité au conseil départemental, a rappelé que le département de la Drôme est « entièrement classé en déficit structurel, d'où l'intérêt des PTGE » (projets de territoire pour la gestion de l’eau). Il s'agit d'un outil destiné à atteindre dans la durée un équilibre entre les usages et les ressources disponibles dans les territoires. Dans le cadre du 12e programme de l'Agence de l'eau, qui démarrera en 2025, des moyens spécifiques seront disponibles pour des « contrats de territoire via les PTGE », a annoncé Nicolas Alban, directeur de la délégation régionale de l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse.
Par ailleurs, afin d'avoir une meilleure connaissance de la ressource en eau et des prélèvements effectués, ainsi que des expériences de bonnes pratiques, la création d'un « centre de ressources et des connaissances » est projetée.
Christophe Ledoux
Ils ont dit
Faisant référence à la manifestation d'agriculteurs devant la préfecture le 11 avril (lire pages 2 et 3), « c'est par la concertation et non par l’intimidation et la force que l'on avancera », a prévenu Thierry Devimeux, préfet de la Drôme.
« Pour relever le défi très compliqué du partage de la ressource en eau, personne n'a mis autant d'ambition que la Drôme et les premiers résultats sont enthousiasmants, s'est réjoui Nicolas Alban, directeur de la délégation régionale de l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse. Si ça ne marche pas en Drôme, ça ne marchera nul part. »
« Pour gérer les conflits, il existe des méthodes pour faire œuvre commune et faire la transition », a indiqué Anne Hilleret, adjointe au groupe appui territoires transitions à la direction Centre-Est du Cerema*.
« Les acteurs se parlent et c'est essentiel pour se comprendre et avancer ensemble, a constaté Marie-Pierre Mouton, présidente du Département de la Drôme. Il faudra avoir recours à un bouquet de solutions pour retenir l'eau et mieux l'utiliser. » Cependant, elle pointe les limites budgétaires de la collectivité.
« Pour pouvoir avancer en efficacité, il faut des données en temps réels, compréhensibles, pour une utilisation concrète et rapide », a appuyé Véronique Simonin, sous-préfète de Die. Plus globalement, « les solutions ne sont pas simples mais elles existent, sans opposition, ni accusation », a-t-elle ajouté, avant d'annoncer qu'en matière de stockage de l'eau, « sur neuf dossiers, quatre sont à un stade avancé ».
C. L.
* Cerema : établissement public relevant du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, chargé d'accompagner l’État et les collectivités territoriales pour l’élaboration, le déploiement et l’évaluation de politiques publiques d’aménagement et de transport.