Bernard Royal Dauphiné : l’offre locale reste la stratégie
En vingt ans, la société Bernard Royal Dauphiné a multiplié par cinq le nombre de poulets travaillés à Grâne. Une production 100 % régionale et à 90 % drômoise grâce au partenariat avec Valsoleil.

Jean-Luc Alnet, directeur général de la société Bernard Royal Dauphiné, est un homme de chiffres. Dans la salle de réunion où il reçoit ses interlocuteurs, un grand tableau, intitulé « le palmarès », retrace l’historique du nombre de poulets conventionnels qui passent chaque année par l’abattoir de Grâne. « En 2023, nous atteindrons les 15 millions contre 3 millions lorsque je suis arrivé en 2002 », annonce Jean-Luc Alnet. Actuellement, l’usine de Grâne travaille près de 290 000 poulets standards par semaine, auxquels s’ajoutent environ 30 000 volailles fermières Label Rouge et IGP de la Drôme ou des Cévennes.
Pas d’érosion malgré l’inflation
À la question « comment se porte l’entreprise ? », il répond par une note : « 18 sur 20 ». Le développement du chiffre d’affaires est là, il a atteint 82 millions d’euros en 2022. La stratégie de régionalisation de l’offre, initiée dès 2004, porte ses fruits. Si la tendance « locavore » fait aujourd’hui partie des arguments commerciaux de nombreuses entreprises, le directeur général souligne : « À l’époque, on nous prenait un peu pour des rigolos avec cette démarche. Mais bien nous en a pris car aujourd’hui c’est ce qui fait la force des territoires français. Dès qu’on régionalise l’offre, on rapproche les zones de production des zones de consommation, avec un reflet sur le bien-être animal, le bilan carbone... » Il ne compte d’ailleurs « pas étendre sa zone de distribution », située dans un triangle Lyon-Perpignan-Monaco, mais y « renforcer sa présence ».
Quant à l’inflation, qui a fortement secoué les entreprises et le pouvoir d’achat des consommateurs depuis décembre 2020, le patron de l’usine de Grâne considère avoir été « bien accompagné par la grande distribution [qui représente les trois quarts des débouchés de l’entreprise, ndlr]. Ils ont bien compris que nous n’inventions pas ces augmentations et ne les ont pas répercutées directement. Nous n’avons donc pas constaté d’érosion du fond de commerce durant cette période d’inflation. »
Anticiper le nouveau référentiel ECC
Les poulets travaillés par Bernard Royal Dauphiné S.A. à Grâne proviennent de 150 exploitations, dont 90 % en Drôme. Le partenariat avec la coopérative Valsoleil assure une filière la plus locale possible avec une alimentation des volailles elle aussi produite sur le territoire. Depuis 2020, la société a lancé la gamme « Le poulet de mon enfance ». En 2023, cette gamme a représenté un million de volailles sur les 15 millions de poulets conventionnels qui passent par l’abattoir. L’objectif de Jean-Luc Alnet est de porter ce chiffre à 2,5 millions d’ici 2026. C’est en effet à cette date qu’entrera en vigueur le référentiel « European Chicken Commitment » ou ECC. Ce référentiel, voulu par une trentaine d’ONG européennes pour améliorer les conditions d’élevage et d’abattage des poulets de chair, a déjà été signé par la plupart des enseignes de la grande distribution. D’où la nécessité d’être prêt à répondre à ces nouvelles exigences dès l’entrée en vigueur de l’ECC. « La gamme Poulet de mon enfance entre dans ce créneau », soulignent Jean-Luc Alnet et Amandine Steiner, responsable R&D, marketing et communication de l’entreprise. Huit producteurs, soit douze bâtiments, se sont déjà lancés dans l’aventure en respectant des critères comme la densité réduite de 20 % par rapport à un élevage conventionnel, une taille de bâtiment limitée à 1 200 m², avec jardin d’hiver et lumière naturelle, le tout dans un rayon de 80 km autour de l’abattoir.
30 000 poulets en plus par semaine d’ici 2026
Le directeur général de Bernard Royal Dauphiné S.A. confirme qu’il souhaite encore développer les apports dans les deux prochaines années. « Dans l’idéal pour le premier semestre 2026, il nous faudrait 30 000 poulets supplémentaires par semaine, soit environ 15 000 m² de nouveaux bâtiments. Nous y travaillons avec Valsoleil », précise Jean-Luc Alnet.
« La route que nous voulons tracer pour les dix prochaines années est connue, estime le directeur. Nous avons la chance de nous appuyer sur un grand professionnalisme de nos équipes et des éleveurs. Nous avons aussi réalisé des investissements en 2018 qui nous permettent aujourd’hui d’être à la pointe en termes de robotisation [automatisation des ateliers de découpe, amélioration de l’ergonomie des postes de travail et réduction de la pénibilité, ndlr]. » Prochaine étape : entretenir ce professionnalisme et assurer les recrutements nécessaires à la poursuite du développement de l’entreprise. Bernard Royal Dauphiné S.A vient de lancer une formation spécifique pour « donner une autre image du métier » (lire ci-dessous). Une première en France. Mais, on l’aura compris, c’est dans l’ADN de cette entreprise drômoise que d’avoir toujours une longueur d’avance.
Sophie Sabot
Bientôt une école aux métiers de la volaille ?
« Nous avons pris la décision au sein de l’entreprise de faire un focus sur la formation. On ne peut pas dire que l’on a du mal à recruter si on ne s’intéresse pas aux gens, si on ne les accompagne pas pour donner du sens à leur carrière », estime Jean-Luc Alnet, directeur général de Bernard Royal Dauphiné S.A. En septembre dernier, l’entreprise a lancé un cycle spécifique de six semaines pour ses personnels encadrants, mais aussi pour des personnes qui souhaitent évoluer dans l’entreprise ou pour celles recrutées en externe via des « job dating ». Trois sessions sont prévues d’ici fin février et permettront de former 21 personnes sur les process industriels (théorie et pratique), les questions liés à l’environnement, la qualité, le social, l’amont de la filière (production de céréales, couvoirs…) et le management. « Les premiers participants ont déjà exprimé une grande satisfaction. Cette formation leur permet de découvrir l’ensemble du métier au-delà de leur périmètre d’activité », commente Amandine Steiner. La formation est pour l’instant interne à l’entreprise. Mais Jean-Luc Alnet a bon espoir de la voir labellisée « certificat de qualification professionnelle » (CQP) dans les prochains mois. Alors, se dessinerait la possibilité d’ouvrir « une véritable école aux métiers de la volaille ».
S.S.
Chapons, dindes et autres recettes drômoises

Durant la période des fêtes, 26 000 chapons fermiers, Label rouge et IGP Drôme ou Cévennes, ainsi que 8 000 dindes fermières Label rouge et IGP Drôme, sont abattus à Grâne. Sur l’autre site de l’entreprise Bernard Royal Dauphiné, à Pizançon, destiné à la préparation des produits élaborés crus (saucisses et brochettes l’été, produits festifs, produits panés) sont également préparés des produits spécifiques pour les menus de fêtes : des petits farcis de poulet (haut de cuisse désossé, farci) selon plusieurs recettes, à la provençale, ail de la Drôme et fines herbes, petits légumes, olives, champignons) ou farce morilles et Armagnac, mais aussi des roulés de dinde farcis aux olives ou aux champignons, des pintades farcies potiron et châtaignes de l’Ardèche, champignons, morilles et Armagnac...