Bio : un marché déséquilibré
Rémy Fabre, élu référent bio à la chambre régionale d’agriculture, revient sur la conjoncture en agriculture biologique et nous livre son analyse.

Comment se présente le marché du bio en région Auvergne-Rhône-Alpes ?
Rémy Fabre : « Le marché a beaucoup évolué depuis le début de l’engouement pour la bio jusqu’aux années 2020. Il était arrivé à un stade de maturité et avait réussi à séduire un panel beaucoup plus large de consommateurs. Il n’était plus destiné à une seule élite. Depuis le printemps 2022, les consommateurs ont revu à la baisse leurs décisions d’achats alimentaires en produits bio et non bio. Une partie d’entre eux a même descendu d’un cran sur la qualité des produits achetés. Ils ont moins acheté de produits de marque ou estampillés bio. Leurs achats se sont reportés sur des produits plus classiques, plus courants, sur les marques des distributeurs, voire de premier prix et d’entrée de gamme. Ils rognent sur l’alimentation plutôt que sur les abonnements à Netflix. Cela a eu des effets concrets sur l’offre et la demande et a complètement déséquilibré le marché. »
Certaines filières ont-elles été plus touchées par cette baisse des achats en produits bio ?
R.F. : « Oui. Il y a trois ans, il y avait une forte demande pour le lait. Depuis l’automne 2021, on assiste aux prémices d’un marché très tendu. La filière du lait bio rencontre de sérieuses difficultés, les prix sont loin d’être à la hauteur. En 2022, les prix du bio ont parfois baissé dans le lait et la viande. Certaines entreprises proposaient même des prix en bio identiques voire inférieurs aux produits conventionnels. La crise du lait bio est aussi un signal pour les autres filières. Ces choix de consommation sont liés à la crainte de perte de pouvoir d’achat. Certaines filières résistent mieux dans cette conjoncture telles que l’arboriculture, le vin, certaines céréales à destination humaine. Le maraîchage résiste bien aussi au niveau des prix et de l’écoulement des marchandises. Les filières végétales n’ont pas été menacées. Il y a des demandes fortes en colza, lentilles et en oléagineux. Les filières animales sont impactées par cette crise, en particulier pour les poulets bio qui connaissent une forte baisse de la consommation. »
Les conversions en bio sont-elles impactées par cette crise ?
R.F. : « On peut parler d’une chute des conversions en bio. En 2022, peu d’agriculteurs vont se convertir en bio à cause des prix à la baisse et du manque de visibilité du marché. On note des inquiétudes mais le marché va se réajuster. Les principales conversions concernent actuellement les circuits courts. »
Que préconisent les chambres d’agriculture dans un tel environnement ?
R.F. : « L’accompagnement technique est notre priorité pour maintenir la performance des exploitations. Nous voulons aller plus loin dans cet accompagnement en mettant des moyens humains supplémentaires, des techniciens au sein de chaque chambre d’agriculture. Aujourd’hui, il faut que chaque agriculteur puisse demander un appui technique où qu’il soit dans la région afin d’être dans les meilleures conditions pour optimiser son activité et ses résultats. La chambre régionale d’agriculture se veut un facilitateur dans l’organisation des filières tant sur le plan technique que commercial. »
Quelles seront les priorités pour 2023 en Auvergne Rhône-Alpes ?
R.F. : « Nous souhaitons travailler sur la structuration et l’organisation des filières en mettant mieux en avant les relations entre les exploitants et les entreprises de transformation et de distribution en agriculture biologique au sein du territoire. Nous voulons décloisonner les maillons de la filière bio. Notre volonté est de faire le lien entre l’accompagnement technique des agriculteurs et la mise en marché des produits avec nos différents partenaires comme le Cluster bio, la fédération régionale de l’agriculture biologique et la coopération agricole. Cette mise en relation des différents acteurs doit favoriser la résolution des problématiques de marché. »
Propos recueillis par Pierre-Louis Berger