Collectivités et fermage
Existe-t-il des conditions particulières pour mettre fin au bail lorsque le propriétaire est une commune ?

Question : Je suis titulaire d’un bail à ferme sur 10 ha, propriété d’une commune, qui a commencé à courir du 1er janvier 2004 pour expirer le 1er janvier 2022. Le maire de la commune m’a contacté pour me faire part de son souhait de mettre fin au bail pour des raisons qui me paraissent encore floues. Existe-t-il des conditions particulières pour mettre fin au bail lorsque le propriétaire est une commune ?
Réponse : De part l’article L 415-11 et 1er du code rural, les baux du domaine de l’Etat, des Départements, des communes et des établissements publics sont soumis au statut du fermage. Dès lors, vous bénéficiez des protections que vous accordent ce statut. Il convient toutefois de citer deux dispositions qui sont propres aux baux consentis par une personne morale « publique ».
La première de ces particularités est définie à l’article L 415-11 du code rural et permet ainsi aux bailleurs « publics » de résilier à tout moment un bail sur tout ou partie des biens loués, lorsque ces biens sont nécessaires à la réalisation d’un projet déclaré d’utilité publique. Bien entendu, le preneur est en droit de réclamer une indemnité pour réparer le préjudice subi. Cette résiliation du bail est donc principalement conditionnée à l’existence d’une déclaration d’utilité publique et au versement d’une indemnité. Dans la mesure où les motifs de votre commune vous paraissent encore flous, il est peu probable qu’une déclaration d’utilité publique ait été prise.
La seconde particularité des baux consentis par une collectivité publique concerne la possibilité pour celle-ci de s’opposer au renouvellement d’un bail à ferme pour un motif d’intérêt général. Plus souple sur le fonds que la résiliation du bail (il n’est pas exigé de déclaration d’utilité publique), elle est toutefois plus rigide sur les délais.
En effet, pour refuser le droit au renouvellement au preneur, la collectivité publique se doit de faire signifier congé 18 mois avant la fin du bail, sa décision d’utiliser les biens loués à une fin d’intérêt général.
Dès lors, dans votre situation, la commune, bien que disposant d’un motif d’intérêt général, ne pourra pas respecter le délai de 18 mois.
Ainsi votre bail devrait repartir pour neuf ans puisque rien ne s’oppose à son renouvellement et rien ne permet sa résiliation.
Toutefois, la commune pourra en cours de bail invoquer l’article L 411-32 du code rural si elle met en avant un changement de destination du bien loué. D’autres explications, dans ce cas précis, vous seront nécessaires, tant le respect de cet article n’est pas toujours au rendez-vous des utilisateurs.
Si votre maire vous relance, demandez-lui qu’il vous remette par écrit ses intentions et ses motivations correspondantes. Vous aurez ensuite toute latitude pour apprécier si vous acceptez une résiliation amiable du bail, qui reste toujours possible.
Enfin, pour être un peu plus complet sur votre question et citer un exemple concret de refus de renouvellement motivé par l’intérêt général, retenez que la Cour de cassation (9 juillet 2003) a donné raison à un organisme public qui avait signifié congé au motif que les dégâts causés par les taureaux de combat élevés sur le bien loué était contraire à l’impératif de laisser le milieu naturel se reconstituer afin de préserver la faune et la flore. Le bon père de famille devient « Dame nature ».
Le service juridique rural de la FDSEA 26, Nathalie Kotomski