Contrôle Pac : la DDT se veut rassurante sur le 3STR
À compter de 2023 avec la nouvelle Pac, en France comme dans tous les États membres de l’Union européenne, le Système de suivi des surfaces en temps réel (3STR) sera mis en place. Explications avec Manon Courias, chef du service agriculture à la DDT de la Drôme.

En quoi consiste le Système de suivi des surfaces en temps réel (3STR) ?
Manon Courias : « Le 3STR est un dispositif prévu dans le cadre de la prochaine programmation de la Pac afin de vérifier certains critères d’éligibilité aux aides Pac, à partir d’images satellites de la constellation Copernicus prises tous les trois à six jours, toute l’année. L’analyse de la succession de ces images, d’une résolution de 10 mètres par 10, permet de déterminer la nature et l’intensité du couvert végétal ainsi que de détecter certaines actions techniques : semis, labour, fauche, moisson. Dans un premier temps, ces images satellites sont analysées par l’intelligence artificielle qui, dans la plupart des cas, conclura par elle-même sur le respect ou non des critères d’éligibilité aux aides Pac. À défaut, l’Agence de service et de paiement (ASP) effectuera une expertise humaine. Si celle-ci ne concluait toujours pas, la DDT prendra alors en main la suite de la procédure en demandant à l’agriculteur de prendre des photos géolocalisées, c’est-à-dire des photos sur le terrain. Si avec les photos on n’arrivait toujours pas à conclure, alors l’ASP se déplacera sur le terrain. »
« Avec le 3STR, l’exploitant qui a fait une erreur ou un oubli sera alerté et pourra éventuellement rectifier sa déclaration sans pénalité », insiste Manon Courias, chef du service agriculture à la direction départementale des territoires (DDT) de la Drôme.
Pour les agriculteurs, ce système apparaît assez anxiogène. Pouvez-vous les rassurer ?
M. C. : « Les craintes portent sur le fait que le 3STR puisse être utilisé pour vérifier certains critères d’éligibilité comme les mesures de surfaces. Or ce n’est absolument pas le cas compte tenu de la résolution des images. Le 3STR n’observera pas les agriculteurs mais seulement la nature du couvert sur les parcelles déclarées à la Pac. D’ailleurs, l’instruction relative au registre parcellaire graphique (RPG) avec les orthophotos (50 cm de résolution) demeure à l’identique ainsi que les contrôles sur place. »
L’administration appose au 3STR un principe de droit à l’erreur. Qu’en est-il ?
M. C. : « Le 3STR introduit un droit à l’erreur et c’est une vraie évolution car il sera possible de modifier sa déclaration Pac avant paiement, sans pénalité financière. Quand une ou plusieurs observations issues du traitement des images satellites seront divergentes avec la déclaration, une alerte sera faite à l’exploitant pour l’inviter à corriger sa déclaration. Concrètement, à certaines dates entre la fin de la période de télédéclaration et le début des paiements, les agriculteurs pourront savoir si tous les critères d’éligibilité concernés par le 3STR sont respectés ou pas. S’ils sont respectés le feu sera vert (dossier conforme), s’ils ne le sont pas il sera rouge (non conforme). Et lorsque ni l’intelligence artificielle ni l’ASP ne peuvent conclure, alors le feu sera jaune (doute) et dans tous les cas les agriculteurs seront contactés par la DDT qui leur expliquera la procédure pour prendre des photos géolocalisées. Dans les premières années de mise en place du 3STR, l’accompagnement sera important, et ce en partenariat avec les organismes agricoles de services. »
Les agriculteurs recevront-ils des alertes en continue ?
M. C. : « Des dates et des périodes devraient être annoncées afin d’éviter à l’exploitant d’aller vérifier chaque jour s’il a un feu rouge ou jaune. Et les alertes devraient être regroupées par groupe de cultures (hiver, printemps, été). »
Quels types d’erreurs seront rectifiables ?
M. C. : « On ne le sait pas encore car le périmètre du droit à l’erreur pour 2023 n’est pas encore défini. Toutefois, pour la première fois, les agriculteurs pourront revenir sur leur dossier pendant la phase d’instruction. Mais ils ne pourront pas revenir sur tout. »
Le 3STR va-t-il augmenter la détection des erreurs ?
M. C. : « Je ne pense pas car les critères qui seront contrôlés par les satellites le sont aujourd’hui par d’autres moyens. L’objectif est d’aller sur un système où l’intelligence artificielle puisse conclure d’elle-même sur les critères d’éligibilité. Et j’insiste, avec le 3STR, l’exploitant qui a fait une erreur ou un oubli sera alerté et pourra éventuellement rectifier sa déclaration sans pénalité. »
Le 3STR est actuellement en test. Comment se déroule cette opération ?
M. C. : « Au niveau national, quatre cents exploitations volontaires ont testé le 3STR en début d’année sur leur dossier PAC 2021, soit quatre par département. Sur la campagne 2021, le test a porté sur l’application smartphone Telepac Géophotos permettant de faire des photos géolocalisées (voir encadré ci- ). Cette application guide l’agriculteur pour se rendre sur la (ou les) parcelle(s) assortie(s) d’un feu jaune. Sur celle(s)-ci, il doit prendre deux photos, une de près et une de loin. Via un GPS, l’application le guide très précisément vers le lieu de prise de vue et un azimut matérialisé par une boussole lui donne l’angle de prise de vue.
Cette année, va être testé l’ensemble du processus, de l’analyse par l’intelligence artificielle au traitement de la photo géolocalisée transmise par l’exploitant. Tous les dossiers Pac télédéclarés passent ainsi à la moulinette du 3STR. Ceux qui ont un feu jaune seront examinés par l’ASP. Si celle-ci n’arrive pas à conclure, la DDT recevra alors un signalement en vue de contacter l’exploitant pour lui demander de faire des photos géolocalisées. C’est une année test qui n’aura aucun impact sur la campagne 2022. Tous les agriculteurs drômois déclarants Pac seront prochainement informés directement. »
Propos recueillis par Christophe Ledoux