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CONFÉRENCE

Des solutions innovantes pour de nouveaux modèles agricoles

Le 23 novembre à Valence, le Crédit Agricole Sud Rhône-Alpes a organisé la huitième édition des « Rencontres de l’agriculture ». Au programme : l’évolution des modèles agricoles et les solutions innovantes pour accéder au foncier ou simplifier les tâches des exploitants.

Des solutions innovantes pour de nouveaux modèles agricoles
Les responsables du Crédit Agricole Sud Rhône-Alpes aux côtés des témoins de cette huitième édition des "Rencontres de l'agriculture". ©S.S.-AD26.

La moitié des agriculteurs français partira à la retraite d’ici 2030. Dans un contexte de crises sans précédent pour l’agriculture, comment attirer des candidats à l’installation alors que la valeur des capitaux à engager est toujours plus importante ? Jean-Pierre Gaillard, président du Crédit Agricole Sud Rhône-Alpes, l’a rappelé lors des « Rencontres de l’agriculture » le 23 novembre : « Des jeunes hors cadre familial sont prêts à relever le défi mais ils veulent aussi faire vivre leur famille, ne pas se mettre en danger d’un point de vue économique, physique, moral... Dans une société qui a changé, peut-être que la carrière d’agriculteur pour ces nouveaux profils ne sera pas la carrière de toute une vie ». Alors quels modèles imaginer pour ces jeunes qui ne veulent plus être « pieds et poings liés » à leur activité agricole ?

Un capital moyen en forte augmentation

Pour dresser un panorama de la situation, le Crédit Agricole avait invité Alessandra Kirsch, docteure en économie agricole et directrice des études chez Agriculture Stratégies. L’économiste a rappelé qu’en trente ans, le nombre d’exploitations a diminué de 60 % et la population active agricole de 50 %. Dans le même temps, le capital (actif moyen par exploitation) a augmenté de 59 % passant à plus de 470 000 € en moyenne. « La valeur des productions a diminué et a été compensée par une augmentation des volumes produits. Ce qui nécessite davantage de capital pour produire le même niveau de richesse », a-t-elle indiqué. Tracteurs, robots de traite et autres matériels ont compensé les baisses de main-d’œuvre familiale. Les exploitations ont grossi et deviennent de moins en moins transmissibles. Sans oublier le niveau de professionnalisation désormais attendu. L’agriculteur doit être performant sur tous les sujets : technique, administratif, réglementaire… et être un « bon gestionnaire » pour identifier ses marges de manœuvre face à la volatilité des cours. Le « modèle familial » d’exploitation peut présenter des limites face à ces exigences de compétences toujours accrues. D’où, selon Alessandra Kirsch, une nécessaire « évolution des mentalités ». Elle invite à se poser de nouvelles questions : « Est-ce que demain l’agriculteur peut être un salarié ? Est-ce que l’agriculteur est là pour capitaliser et espérer récupérer ce capital à son départ en retraite ou est-il là pour être rémunéré pour son travail et alimenter l’outil pour ceux qui lui succéderont ? »

Portage foncier

Des témoignages ont ouvert des pistes de réflexion pour accompagner l’émergence de nouveaux modèles agricoles. Tout d’abord celui de l’union de caves coopératives du Sud Ardèche, Vignerons Ardéchois. En 2018, l’union a créé la société coopérative d’intérêt collectif (Scic) Ardèche Vignobles pour réaliser du portage foncier. « Nous étions confrontés à des difficultés de renouvellement des générations alors que nous avions un outil commercial performant », a résumé François Guigon, ex-président de l’union. La création de la Scic a permis notamment de mobiliser des particuliers sociétaires. « Nous avons déjà acquis une centaine d’hectares de vignes, installé quatre jeunes et conforté six autres », a-t-il expliqué. Avant de préciser que l’objectif de la Scic n’est pas de cumuler toujours plus de foncier mais de le rétrocéder en douceur, sur la durée, aux jeunes qui le souhaitent.

Autre format innovant pour s’installer en agriculture : celui porté par la Scic les Fermes partagées, basée à Lyon. Sa mission : accompagner et proposer des services dédiés aux fermes collectives. L’aventure a commencé avec la société coopérative de production (Scop) La ferme des Volonteux à Beaumont-lès-Valence (26), la Scop La ferme de Chalonne à Charette (38), la Scic La clef des sables à Saint-Lattier (38)...

Agriculteurs salariés

Selon Céline Riolo, co-directrice des Fermes partagées, la formule permet de construire des modèles transmissibles, où on ne raisonne plus sur la logique de capital mais d’outil. « Aux Volonteux par exemple, le ticket d’entrée pour devenir associé est de 10 000 € que la personne pourra récupérer lorsqu’elle souhaite sortir de la ferme », a-t-elle illustré. Le candidat bénéficie d’un statut de salarié associé, avec la protection sociale inhérente. « C’est un modèle viable et vivable où les salariés associés sont rémunérés au-dessus du revenu moyen des agriculteurs français et qui permet de partager les astreintes ou de diversifier l’activité pour être plus résilient face aux aléas », a-t-elle commenté. Si ces modèles semblent répondre aux aspirations de certains candidats à l’installation, des freins restent à lever : celui de l’accès aux aides (JA, Pac) pour ces agriculteurs salariés ou celui de la transformation de fermes classiques en modèle coopératif impliquant de se poser la question de la compensation du cédant.

« Tous les modèles, toutes les solutions ne sont pas forcément reproductibles mais il est possible de piocher dans cette boite à outils », a insisté Franck Julien, directeur marché de l’agriculture au CA Sud Rhône Alpes.

Sophie Sabot

EXTERNALISER

Banque d’entraide ou groupement d’employeurs

Côté entraide, l’innovation est aussi au rendez-vous. Catherine Rabiet a présenté la plateforme Agri-Echange cofondée avec son frère agriculteur en Haute-Marne. Celle-ci permet aux agriculteurs d’échanger matériel, prestations, main-d’œuvre, matière première (fumier par exemple) sans sortie de trésorerie. La valeur de l’échange est déterminée entre celui qui rend le service et le bénéficiaire et inscrite sur leur compte virtuel. Ils peuvent alors à leur tour faire appel ou rendre d’autres services, utiliser leur crédit ou compenser leur débit. Pour Catherine Rabiet, cette banque d’entraide offre la possibilité de trouver dans la journée une solution à un pépin de dernière minute (casse de matériel, maladie…). À condition bien sûr de développer le réseau local, c’est à dire de lancer la plateforme sur un territoire en y faisant adhérer massivement des agriculteurs.

Autre exemple pour faciliter la vie des exploitants : le groupement d’employeurs Agri Emploi 26. Avec 1 700 salariés chez plus de 500 agriculteurs, il assure les recrutements, la gestion des ressources humaines en offrant « les compétences RH d’une grande entreprise au service de tous les exploitants du territoire et un allégement mental », a assuré son directeur, Fabien Lambert. D’autres solutions existent également pour permettre aux agriculteurs de se soulager de certaines contraintes et de bénéficier de la technicité et de l’expertise de spécialistes : le recours aux prestations des entrepreneurs des territoires comme en a témoigné Martine Perrin, présidente d’EDT Aura, ou encore les services des chambres d’agriculture comme l’a souligné Damien Colin, directeur de l’organisme consulaire en Drôme.

S. Sabot