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Machinisme

Freinage sur remorques : hydraulique ou pneumatique ?

Depuis le début de l’année, le freinage double ligne hydraulique ou pneumatique sur les tracteurs neufs est devenu obligatoire et, par déclinaison, les remorques vont devoir s’adapter.

Freinage  sur remorques :  hydraulique  ou pneumatique ?

Tout aura été dit et son contraire sur l'application de la nouvelle réglementation européenne 167/2013, dite « Tractors Mother Régulation » qui libère la vitesse de circulation des engins agricoles à 40, 50 ou 60 kilomètres à l'heure. Pour la France, la vitesse des tracteurs ne doit pas dépasser les 40 km/h. En contrepartie, cela impose aux constructeurs d'adapter leurs machines à de nouvelles règles de sécurité. La principale d'entre elles concerne le double circuit de freinage hydraulique ou pneumatique obligatoire sur les tracteurs livrés depuis le 1er janvier 2018. Ce système permet à la remorque de s'arrêter automatiquement en cas de rupture de l'attelage, comme cela est déjà le cas chez les poids lourds. Sauf que, pour l'instant, très peu de remorques sont équipées de cette double ligne. Les constructeurs livrent actuellement leurs tracteurs en configuration ligne hydraulique simple et double ligne pneumatique pendant cette période de transition.
Dans l'esprit du législateur européen, cette réglementation a pour but de réduire de 50 % le nombre d'accidents routiers impliquant des véhicules agricoles, d'ici 2035. Cette loi impose aussi de rendre plus visibles les ensembles agricoles sur la route et prévoit encore d'équiper les remorques de barres anti-encastrement.

Quel type de freinage adopter ?

Là encore, il n'est pas facile de s'y retrouver. Si la loi impose aux constructeurs une double ligne de freinage, hydraulique ou pneumatique, le freinage pneumatique n'est pas obligatoire et les deux systèmes peuvent encore coexister. Certains constructeurs comme New Holland, John Deere, Valtra, Massey Ferguson ou Fendt, entre autres, ont fait le choix de livrer des tracteurs équipés d'une double ligne de freinage pneumatique depuis le 1er janvier de cette année. Cette échéance a d'ailleurs augmenté artificiellement en fin d'année dernière les immatriculations de tracteurs neufs non équipés de double ligne. Les concessionnaires et les constructeurs craignaient de ne plus pouvoir immatriculer ces tracteurs « non conformes à la législation » au 1er janvier.
Pour les tracteurs de forte puissance, le freinage pneumatique existe déjà depuis longtemps. Ils répondent à une législation sur le freinage et la vitesse déjà en vigueur chez nos voisins européens comme l'Allemagne, l'Angleterre et la Belgique où les ensembles agricoles peuvent rouler jusqu'à 50, voire à 60 km/h dans certaines configurations. Le tracteur doit en effet être équipé d'une suspension, de freinage ABS, d'un correcteur de trajectoire et, fait nouveau, d'une seule pédale de freins pour ne pas être tenté de désaccoupler le frein droit et gauche.

Le freinage des remorques devra aussi s'adapter

Les dates fluctuent pour l'adaptation du freinage des remorques, 2021 pour les uns ou 2022 pour les autres ? La commission technique de l'Axema, le syndicat des constructeurs de machines agricoles, qui a réuni ses adhérents en décembre dernier a tenté de décrypter la loi. Pour les matériels autres que le tracteur, la loi laisse un peu plus de souplesse. Cela concerne les machines automotrices, les véhicules tractés et certains tracteurs spécialisés. Ces machines disposent d'un délai supplémentaire d'adaptation jusqu'en 2021, voire 2022. Au-delà, il ne sera plus possible de contourner la loi et, pour circuler, il faudra « obligatoirement » avoir un tracteur et une remorque équipés d'un circuit de freinage double ligne. Autant dire que c'est impossible en pratique car il faudrait réformer ou adapter tout le parc existant.
Pour Marc-André Devès, représentant de la quatrième génération du constructeur ardéchois de remorques agraires : « Nous adaptons nos fabrications aux exigences de la réglementation. Notre usine produit chaque année environ 1 400 remorques, de petit ou gros tonnage. Pour l'instant, ce sont nos ensembles porte-caissons et remorques à deux ou trois essieux qui répondent à cette réglementation de freinage double ligne. Le choix du freinage pneumatique est systématique. Pour le reste de nos fabrications de petits tonnages, les livraisons continuent à être effectuées avec du freinage hydraulique simple ligne. Dès 2022, toutes nos remorques seront livrées en double ligne... Quant à l'adaptation à la nouvelle réglementation des matériels existants, il faudrait les modifier et les passer aux Mines. Cela aura un coût, surtout si d'autres éléments de sécurité se greffent à la réglementation comme, par exemple, la suspension ou les barres anti-encastrement. Autrement dit, ce sera difficile de mette aux normes tout le parc existant. »

Le risque de rouler sans possibilité de freiner la remorque

Il est illusoire de penser qu'au 1er janvier 2022 tout le parc de tracteurs français et d'outils tractés sera équipé d'un circuit double ligne. Un tracteur neuf équipé exclusivement d'une double ligne ne pourra plus freiner une remorque et certains risqueront de circuler sans raccorder le freinage de la remorque au tracteur. La loi qui vise à réduire le nombre d'accidents serait alors contre-productive. Le risque pour l'agriculteur serait d'être en infraction avec le code de la route et amendable. Mais, en cas d'accident, quelle serait la réponse de son assureur ?
L'augmentation de la vitesse de circulation des ensembles agricoles, tant réclamée par les agriculteurs français en comparaison avec d'autres pays européens, va faire peser sur leurs exploitations la nécessité de renouveler leurs tracteurs et remorques d'ici 2022. Autres conséquences, ils devront sans doute de se plier aussi à des contrôles techniques périodiques de leurs matériels avec l'obligation de réparations, bombonnes d'air à remplacer, flexibles, raccords, pistons de frein, équilibrage du freinage... Tout cela aura indéniablement un coût pour les exploitations.

Quid du permis poids lourd ?

Deux autres points encore n'ont pas été évoqués par ces nouvelles règles. Ils concernent le permis poids lourd, qui pourrait bien devenir obligatoire un jour pour conduire ces ensembles qui ressembleront de plus en plus à des camions, et enfin l'emploi de carburant non détaxé. Le bon sens fera-t-il tolérance pour rouler encore avec du freinage simple au-delà de 2022, plus que force, ni que rage des agents verbalisateurs ? A voir ! 
Roland Saint Thomas