Goutte à goutte enterré : une expérience concluante
Depuis quelques années, le goutte à goutte enterré est de plus en plus présent dans les exploitations françaises. À Granges-les-Beaumont, le Gaec Genton a opté pour ce système d’irrigation en 2021. Témoignage.

«La réflexion a commencé avec les sécheresses récurrentes et puis la gestion de l’irrigation commençait à devenir compliquée pour moi… D’autant que je ne savais pas s’il y aurait une reprise. » En 2021, Francis Genton installe son premier goutte à goutte enterré sur 1,5 ha de maïs. Il continue avec 11 ha de maïs en 2022, puis 10 ha de vergers en 2023, année durant laquelle son fils, Pierre, le rejoint sur l’exploitation. Le Gaec Genton, qui produit des céréales et des fruits à Granges-les-Beaumont, est aujourd’hui équipé du goutte à goutte enterré sur près d’un tiers de sa ferme de 95 ha. Le système est connecté à des forages ou au réseau selon les parcelles.
Des champs toujours labourés
Une douzaine d’ha de maïs est aujourd’hui irriguée par ce système enterré à 40 cm dans le sol. Une manière pour Francis Genton de se faciliter le travail en limitant le déplacement d’enrouleurs, sans pour autant modifier ses pratiques culturales. « On continue de labourer, mais moins en profondeur, explique-t-il. Par contre, on ne peut pas compter dessus pour faire sortir le maïs », prévient-il. En cas de sécheresse au printemps, Francis n’aurait d’autre choix que de revenir à l’aspersion pour la levée des cultures. « Mais pour l’instant, on n’a jamais eu ce problème », assure l’agriculteur. Seul changement majeur : la gestion des engrais. En dehors du premier apport, il passe désormais par une irri-fertilisation fractionnée sur plusieurs semaines. L’objectif : sécuriser les apports quand la surface du sol est sèche, le tout en limitant les pertes par lessivage.
Des apports d’eau fractionnés dans la journée
Concrètement, le travail d’irrigation se limite aujourd’hui à de la programmation et à de la surveillance pour s’assurer du bon fonctionnement du système. Le goutte à goutte permet également un cycle d’irrigation plus régulier : avec ce système, un équilibre constant entre humidité du sol et oxygénation est recherché. Pour ce faire, Francis Genton préfère les apports d’eau fractionnés. « La première année, j’arrosais une fois par jour, mais je me suis rendu compte qu’il valait mieux mettre 1 mm d’eau cinq fois par jour que 5 mm en une fois. Dans un sol superficiel et filtrant comme celui-ci, c’est encore plus nécessaire », observe-t-il. En cas de pluie, le goutte à goutte peut être arrêté sans difficulté mais il faut être attentif pour ne pas laisser le sol s’assécher. « C’est très compliqué d’arriver à refaire la capillarité du sol. Avec ce système, on ne peut pas apporter de grosses doses pour rattraper, avertit Francis Genton. Nous, on gère à partir des ETP, c’est le plus simple. » Si ce système est plus souple que l’aspersion et les tours d’eau, il nécessite toutefois davantage d’anticipation. « La plante supporte moins le stress hydrique, si on rate un jour le rendement peut s’en retrouver impacter », ajoute l’agriculteur.
Un moindre intérêt pour les cultures de blé
Outre le maïs, Francis Genton a également investi dans le goutte à goutte enterré sur 5 ha de pêchers et 10 ha d’amandiers récemment plantés. Cette fois, une profondeur d’une dizaine de cm suffit pour pouvoir effectuer les travaux type broyage, sans toutefois que les tuyaux ne soient abîmés par les racines. « Au fur et à mesure du renouvellement des vergers, on basculera partout sur ce système », annonce-t-il. Pour les céréales, en revanche, Francis Genton souhaite se limiter au maïs, une culture particulièrement gourmande en eau. « Sur le blé, je pense que c’est moins intéressant, analyse-t-il. Pour que ça fonctionne bien, il faudrait resserrer les lignes de goûteurs. Ça pose aussi une question de coût : est-ce un investissement rentable pour irriguer deux ou trois fois du blé ? »
Pas d’effet sur le rendement
En l’occurrence, il estime l’investissement à environ 3 500 euros pas hectare pour les tuyaux. À ce montant, il faut ajouter les systèmes de filtration, les pompes, les variateurs... D’après l’agriculteur qui a réalisé la pose lui-même, il faut aussi compter 10 heures par ha pour l’installation des tuyaux et au moins le double pour les raccords : « Tout dépend le type de parcelle, si elle est tordue, il va falloir faire plus de branchements. C’est un gros travail de mise en place, mais une fois que c’est fait on n’y touche plus ! » Pour ce qui est de la durée de vie, Francis Genton a pu observer chez des collègues des systèmes toujours opérationnels quinze ans après leur installation. « Ce sont des équipements qui ne sont pas polyvalents, il faut être sûr de pouvoir s’engager dans la durée », signale-t-il.
Trois saisons après l’installation du premier système de goutte à goutte enterré sur son exploitation, l’agriculteur se dit satisfait de son choix. Outre le temps de travail, il a aussi gagné sur ses factures, avec une réduction de 20 à 30 % du besoin en électricité (liée à la faible pression) et une économie d’eau de 15 à 20 %, avec une moindre déperdition (le système d’aspersion étant lui soumis au vent et à l’évaporation). En revanche, pas de différence sur le rendement, « ce n’est pas l’objectif recherché », commente Francis Genton.
Pauline De Deus
Installé en 1991, Francis Genton a opté pour le goutte à goutte enterré en 2021. ©AD-PDeDeus
