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Droit rural

L’exploitation agricole sans bail écrit

Bien qu'un bail verbal soit tout à fait valable, en cas de litige des difficultés se posent au niveau de la preuve du contrat.
L’exploitation agricole sans bail écrit

Question : Je dois reprendre les terres d'un voisin qui part à la retraite. Toutefois le propriétaire ne veut pas me faire de bail écrit. Il a toujours traité avec ses fermiers verbalement et n'a jamais eu de problème. Il ne veut donc pas changer sa façon de faire et refuse de signer quoi que ce soit. Quel risque je prends s'il n'y a pas d'écrit ?

Réponse : Tout dépend de la situation. En effet, si les conditions liées au statut du fermage sont remplies et dans la mesure où ce statut est d'ordre public, vous bénéficierez de l'ensemble des dispositions à ce sujet même si vous n'avez pas de bail écrit. Les conditions principales sont l'exploitation agricole du bien et la contrepartie financière à ce droit d'exploiter. Donc si vous réglez un fermage, vous serez titulaire d'un bail à ferme verbal.

Le code rural prévoit à l'article L.411-4 que « les contrats de baux ruraux doivent être écrits ». Toutefois, il s'agit là d'une simple règle de preuve et non d'une condition de validité. Et c'est ce point qui pose essentiellement problème. En effet, il est difficile de démontrer l'existence du bail, notamment si les paiements se font en nature ou en monnaie comptant.

Un bail verbal est tout à fait valable mais en cas de litige les difficultés se posent au niveau de la preuve du contrat. L'article L.411-1 du code rural prévoit que la preuve peut se faire par tous moyens : le tribunal tiendra compte de l'ensemble des éléments fournis par le fermier (relevé MSA, attestation de personnes, copie de chèques avec relevé bancaire correspondant, tout écrit entre les parties...).

Une fois l'existence du contrat démontrée, d'autres problèmes peuvent se poser si aucun écrit n'est établi. Trois points majeurs sont approfondis ci-après.
- Etat des lieux : si vous n'établissez pas d'état des lieux lors de l'entrée en jouissance, il sera difficile de démontrer l'amélioration du bien par le fermier ou, au contraire, la dégradation du bien. Ceci peut poser problème au fermier s'il veut réclamer une indemnité au preneur sortant pour amélioration ou au bailleur s'il veut engager une procédure de résiliation pour mauvaise exploitation.
- Les parties contractantes : s'il s'agit d'un bien appartenant à plusieurs personnes (bien de communauté, indivision, démembrement avec un nu-propriétaire et un usufruitier, etc.) il faudra démontrer que toutes les personnes étaient d'accord de donner le bien à bail. Dans la mesure où, en pratique, le fermage est réglé à une seule personne reconnue comme gestionnaire du bien commun, il sera quasiment impossible d'apporter une telle preuve.
De même, si vous êtes installé en société, il faudra soit démontrer que c'est la société qui est titulaire du bail, soit que vous avez informé le propriétaire de la mise à disposition du bien loué, et ce sous peine d'encourir la résiliation du contrat.
- L'inopposabilité au tiers : ce problème se pose non seulement pour les baux verbaux mais pour tous les baux écrits non enregistrés aux hypothèques. Les baux notariés font automatiquement objet d'une publication et sont ainsi opposables aux tiers. L'absence d'enregistrement engendre l'inopposabilité notamment à l'acquéreur du fonds dans la mesure où le contrat n'a pas acquis date certaine. Et cela peut aller jusqu'au droit de l'acquéreur d'expulser le fermier. L'enregistrement n'est aujourd'hui plus obligatoire mais ces actes peuvent toujours être présentés volontairement à la formalité de l'enregistrement moyennant le paiement d'un droit fixe (environ 25 euros depuis le 1er janvier 2006).

En dehors du côté juridique du bail verbal, il faut aussi tenir compte du fait que certaines instances ne reconnaissant pas le bail verbal comme « bail rural ». Ainsi, dans certains départements, ces terres ne seront pas retenues dans les dossiers d'installation des jeunes agriculteurs (pour la DJA).

Il est donc toujours préférable d'obtenir un écrit du propriétaire. Toutefois, il convient de préciser qu'un très grand nombre de baux verbaux existent et que de façon générale un nombre infime de contrats font l'objet de litiges qui sont portés jusqu'au tribunal. Les parties doivent avoir une relation de confiance et résoudre ainsi d'éventuelles difficultés entre eux et ce raisonnablement. La loi permet en effet de répondre à toutes les situations mais le résultat n'est pas forcément satisfaisant, ni pour le fermier, ni pour le bailleur. Ainsi un accord entre les parties éventuellement avec l'intervention d'une personne extérieure au conflit (un voisin, un médiateur, votre syndicat agricole...) permet souvent de trouver un compromis et de maintenir une bonne relation entre les parties. 

Le service juridique rural de la FDSEA 26, Nathalie Kotomski