L'offre de Lidl sur les Côtes-du-Rhône ne passe pas auprès des viticulteurs
Ils étaient une quarantaine, remontés comme des coucous, à se retrouver devant le magasin hard-discounter d’une des zones commerciales d’Orange, lundi 4 novembre au matin. Objet de leur grogne ? L’offre promotionnelle proposée par Lidl, à 1,99 € la première bouteille de Côtes-du-Rhône, et 1,39 € la deuxième. « On ne peut pas laisser passer ça », répétaient-ils, déterminés à faire bouger les choses.
Une vente à perte
Tout d’abord, avec de tels prix, les viticulteurs annoncent ne pas être rémunérés et même perdre de l’argent. Sophie Vache, présidente de la FDSEA de Vaucluse pose les bases de cette action : « Pour qu’un producteur de vin vive correctement, il doit vendre ses produits à des prix qui lui permettent de payer ses charges et de se rémunérer. Pour qu’un producteur de Côtes-du-Rhône vive correctement, il doit vendre son vin à un prix supérieur à celui d’un café dans un bar, ou d’une bouteille de Cola. Mais c’est pourtant à ce prix-là que nous trouvons une bouteille de Côtes-du-Rhône chez Lidl ! »
L’offre promotionnelle proposée par Lidl, à 1,99 € la première bouteille de Côtes-du-Rhône, et 1,39 € la deuxième a provoqué une immense colère chez les vignerons. © CL-VA
De son côté, Jordan Charransol, président des JA 84, enfonce le clou : “Ce sont des vins négociés en vrac à 70, 80 centimes le litre, soit 70, 80 euros l’hectolitre. On ne peut pas se le permettre avec l’argent qu’on perd déjà sur nos exploitations ». Selon lui, le prix minimum devrait être de 3 €. Cela assurerait un revenu au viticulteur, sans toutefois arnaquer le consommateur. « On ne demande pas non plus des bouteilles à 10 €, mais on veut pouvoir vivre de notre travail », poursuit-il, désabusé. Ensuite, en moyenne en grande surface, la bouteille se vend à 3,50 €.
Accepter de laisser passer de tels prix, c’est prendre un risque majeur pour l’avenir. « Si on accepte des prix comme ça, ça donne une image et une entrée de prix pour les autres négociations. Aujourd’hui, il nous faut 1,50 € le litre pour vivre, mais ils sont négociés à 1 € voire moins », redoute Benoît Lurie, viticulteur coopérateur sur Sainte-Cécile-lès-Vignes. D’où cette action choc. Pour « interpeller et dire que ce n’est pas normal », insiste le président de JA 84.
« Le malheur de l’appellation »
Enfin, c’est une question d’image, celle de l’AOP Côtes-du-Rhône, qui est aussi en jeu. « On produit des Côtes-du-Rhône et l’on se restreint sur le rendement pour avoir plus de qualité. À moins de 2 €, ce n’est pas l’image que l’on veut donner”, soulève Jordan Charransol.
Les Jeunes agriculteurs et membres de la FDSEA ont cassé plusieurs dizaines de bouteilles devant un Lidl à Orange, lundi matin. © CL-VA
Une bouteille en main, prête à la vider sur le parking, Sylvie Meynier, vice-présidente de la FDSEA de la Drôme - l’action était coordonnée avec les Drômois et les Gardois, ces derniers s’étant rendus dans un Lidl à Bagnols-sur-Cèze - s’est également exprimée dans ce sens : « Nous avons un cahier des charges de l’appellation des Côtes-du-Rhône extraordinaire. Nous produisons selon des codes, de façon respectueuse, et nous on ne nous respecte pas. Moins de 2 € le contenu et le contenant, c’est une honte ». À ses pieds, des dizaines de bouteilles éclatées, du vin se déversant partout aux abords du magasin et un constat : « Voici tout le malheur de l’appellation et de nos vignerons ».
Le but de l’opération était aussi de faire changer les négociations. « On veut montrer aux négociants qu’on les soutient pour mettre des prix plus hauts. C’est un combat collectif », affirmait le président des JA, également viticulteur.
Ni le directeur du magasin, ni le responsable de la zone n’ont souhaité s’exprimer sur le sujet.