La Drômoise de céréales se recentre sur la France
L’année écoulée s’avère difficile pour les adhérents de la coopérative Drômoise de céréales, notamment pour la production bio. L’assemblée générale, organisée jeudi 12 décembre à Valence, a permis d’évaluer l’étendue des dégâts.

« On se doutait que ça n’allait pas durer », tel est le constat énoncé par Lionel Eydant, président de la coopérative Drômoise de céréales (CDC), jeudi 12 décembre lors de l’assemblée générale de la structure organisée à l’espace séminaire de Valence Romans Drôme Rugby. Après une année 2023 marquée par des collectes reparties à la hausse en céréales d’été, oléagineux et en bio, la Drômoise de céréales a vu ses volumes redescendre en 2024.
Aléas climatiques et marchés mondiaux influent sur les prix fixés aux producteurs : la tendance est à la baisse pour la CDC. Concurrencée par les pays de l’Est, la coopérative se recentre petit à petit sur les débouchés français. Seule évolution notable, le maïs, qui dépasse les 90 000 tonnes collectées contre environ 81 000 t en 2022 et 2023. Des données toutefois incomparables à celles de 2021 avec plus de 111 000 t collectées. La crise du bio touche aussi les céréaliers avec une baisse marquante entre 2023 et 2024 passant de 25 000 à 20 000 t collectées. Pour faire face aux enjeux à venir, la coopérative s’axe sur la résilience climatique et la sécurisation des débouchés.
Tendance à la régionalisation
L’année 2024 a été marquée par l’arrêt de la location du bâtiment de stockage de la CCI Solaize. « Nous n’avions plus intérêts à le conserver », a expliqué Jean-Charles Denis, directeur de la CDC en faisant référence à la baisse de production et de flux de maïs. Une tendance qui signe le déclin des activités portuaires. « Entre 2007 et 2013, nous utilisions entre trente et cinquante bateaux par an à destination de la Sardaigne ou de Palerme, observe Martial Guerre, responsable céréales à la coopérative. L’année dernière, il n’y en avait plus qu’un ». Une baisse due en grande partie à la concurrence des pays de l’Est vers l’Italie et l’Espagne. La CDC s’est donc reportée sur les camions. À savoir qu’un bateau équivaut à cinquante camions.
Cette assemblée a aussi été l’occasion de fêter le prochain départ en retraite de Michel Thibaud, agriculteur à Montmeyran, « pilier du conseil d’administration et grand représentant de la filière bio » applaudi par ses confrères. ©ME-AD26
Ces véhicules demandent davantage de logistique : « Cela prend plus de temps à charger, les silos s’usent plus vite et il y a une plus grande charge de travail, énumère Martial Guerre. La capacité de dégagement est réduite et les camions jouent sur notre impact environnemental et sur le trafic routier ». D’un autre côté, les camions conviennent davantage aux débouchés actuels de la coopérative. Depuis 2010, la part d’exportations de céréales dans les régions françaises ne cesse d’augmenter. L’Italie, qui importait 27 % de la marchandise de la CDC, est passée sous la barre des 10 % en 2023-2024. L’export à des pays tiers a quant à lui disparu alors qu’il représentait 12 % en 2010-2011. À l’inverse, l’Espagne augmente sa part d’importation et représente 18 % cette année. Enfin, les débouchés en Drôme et Ardèche sont passés de 26 à 39 % en quatorze ans. Évolution notable aussi dans les régions Provence-Alpes-Côtes d’Azur et Auvergne-Rhône-Alpes.
Trouver de nouveaux clients
Les produits collectés changent au fil des années. Le bio dégringole et il n’y a plus de produits collectés en conversion en 2023-2024. Les céréaliers en bio ont été contraints de déclasser leur production en conventionnel. Cette tendance s’accompagne par l’arrêt de la réception du bio sur le silo de Romans.
Cette année, le climat a pénalisé les producteurs notamment sur le blé dur. « Au printemps, nous avons dû travailler en silo pour tenir nos débouchés, rapporte Jean-Charles Denis. Le marché s’adapte à la moisson bien que les clients soient très réticents car nous avons un problème qualitatif, avec un taux de protéine très faible et du mitadinage ». Alors qu’en 2010-2011, le maïs représentait 60 % des produits collectés par la CDC, cette année il atteint seulement 39 %. À l’inverse, la part de blé tendre grimpe à 35 %. L’orge « fait toujours mouche auprès des Italiens. Une qualité à garder », souligne le rapport du conseil de la CDC. Succès aussi pour la production de soja qui « bénéficie d’un fort engouement » pour « sa dimension protéine française ». Enfin, certains produits, comme le blé dur trouvent des débouchés auprès de marques françaises telles que Panzani, Carrefour et Priméal pour les pâtes.
Alors que le nombre de clients se réduit pour la CDC, « l’enjeu est d'en chercher de nouveaux dans un environnement proche pour sécuriser les débouchés », prévient Martial Guerre. Si les débouchés se régionalisent, les prix du marché restent majoritairement fixés sur les cours mondiaux. « Pour sortir enfin de cette mauvaise période, il va falloir être créatif et innovant, déclare Lionel Eydant, président de la CDC. Si la diversification va peut-être nous aider à passer le cap, certaines exploitations vont être dans le rouge cette année... C’est une évidence et c’est dramatique. » La coopérative parvient à se maintenir malgré une baisse de 25 % de son chiffre d’affaires liée à la baisse des cours. « La coopérative se porte bien et possède toutes les armes économiques et humaines pour affronter les défis de demain », assure Jean-Charles Denis.
Nouveauté pour la CDC, la construction d'un silo à Auberives-sur-Varèze (38). Il a ouvert ses portes en juin pour répondre à la demande de plusieurs adhérents. Cette année, 6 000 tonnes ont déjà été stockées sur le site. D’autres projets de silos sont en cours notamment à Crest. Enfin, cette assemblée a aussi été l’occasion de fêter le prochain départ en retraite de Michel Thibaud, agriculteur à Montmeyran, « pilier du conseil d’administration et grand représentant de la filière bio » applaudi par ses confrères.
Morgane Eymin
Quelles céréales pour demain ?
Prune Farque, responsable du service agronomique grandes cultures de Valsoleil (à droite) et Audrey Tabone, ingénieure à Arvalis, ont présenté l’étude Acclimate Aura aux adhérents. ©ME-AD26
L’assemblée générale de la CDC a été l’occasion de présenter l’étude Acclimate Aura menée par Arvalis et ses partenaires en 2022. Ce projet met en avant des scénarios de fermes fictives suivant une projection climatique ciblée par les chercheurs (hausse de la température d’environ 1,5 degré, pluies irrégulières et violentes, moins d’enneigement et augmentation du déficit hydrique l’été). Cette étude peut permettre aux agriculteurs de se projeter sur les productions et les besoins en eau d’ici 2040-2050. Pour Prune Farque, responsable du service agronomique grandes cultures de Valsoleil, et Audrey Tabone, ingénieure à Arvalis, ces projections doivent alerter les agriculteurs sur « la fragilité de la viabilité des exploitations liée aux besoins en eau ».
Si ce projet offre une base de travail à réactualiser (avec les données d’aujourd’hui), Prune Farque interpelle les producteurs sur leur rôle à jouer. « Il faut rappeler aux décideurs que vous dépendez de ces ressources en eau. Nous avons besoin de vous pour expliquer pourquoi vous irriguez et comment », déclare-t-elle en faisant référence aux Sage1 et aux PTGE2 comme des « rounds de négociations importants avec tous les acteurs ». Des participants appuient ses propos : « Sur environ 65 membres, moins de dix sont des agriculteurs à Valence. Nous sommes minoritaires en votes et en décisions ».
1 Sage : schéma d'aménagement et de gestion de l'eau.
2 PTGE : projets de territoires pour la gestion de l'eau.