La filière agroalimentaire ne séduit pas
L’Apecita, association spécialiste de l’emploi dans les secteurs de l’agriculture, l’agroalimentaire et l’environnement, dresse un bilan criant : le secteur agroalimentaire connaît de fortes difficultés de recrutement.

Si le secteur agricole manque de bras, il n’est malheureusement pas le seul. Le manque de main-d’œuvre et d’attrait pour l’industrie agroalimentaire est une réalité de plus en plus prégnante. 42 % : c’est la part de salariés de la filière agroalimentaire qui partira à la retraite d’ici 2030. Ce fort taux de renouvellement à venir nécessite une relève importante qui se présente de moins en moins.
Un secteur d’a priori
Le secteur agroalimentaire représente 1,9 % de l’ensemble des salariés d’Auvergne-Rhône-Alpes. Le manque de candidatures s’explique de plusieurs manières, et notamment par sa mauvaise presse. « Dans l’ensemble, le secteur souffre d’une image assez négative : les horaires, les conditions de travail, la rémunération… beaucoup ont une image du salarié qui souffre dans les métiers de l’agroalimentaire », relate Jean-Michel Sotton, délégué régional de l’Apecita en Auvergne-Rhône-Alpes. D’après lui, tous les métiers sont impactés, mais pas tous au même niveau : « le secteur de la viande souffre de gros problèmes de recrutement et d’une très mauvaise image. Pourtant, environ un tiers des entreprises agroalimentaires font partie de cette branche. Les demandeurs d’emploi évitent les offres lorsqu’ils se rendent compte qu’elles concernent le secteur de la viande », explique-t-il. Mais ces métiers ne sont pas les seuls à subir d’une mauvaise réputation. Le secteur de la production rencontre aussi des problèmes de recrutement, tout comme la maintenance (un déficit accéléré par le développement de la mécanisation), ou encore les fonctions commerciales. En réponse à ces difficultés, les entreprises tentent d’accroître leur attractivité pour espérer recruter davantage.
Inverser la tendance
« Actuellement, à l’Apecita, nous avons trois fois plus d’offres que de demandeurs d’emploi. Ce n’était pas du tout le cas il y a quelques années ! Et cela ne fait que s’accélérer, malgré les crises ou l’inflation. Que ce soit en agroalimentaire ou en agriculture, nous nous demandons où sont les candidats. Et aucun secteur n’y échappe, tous les métiers souhaitent recruter et n’y parviennent pas », relate Jean-Michel Sotton. Une situation d’autant plus difficile que, depuis la crise Covid, les candidats deviennent de plus en plus exigeants quant à leur fiche de poste.
« Il m’arrive régulièrement d’être confronté à des personnes qui recherchent un emploi dans le secteur agricole, par exemple, et qui souhaitent deux, voire trois jours de télétravail par semaine », s'étonne le délégué régional de l’Apecita. « On remarque que désormais, ce sont les entreprises qui s’adaptent aux candidats, et non plus l’inverse, affirme-t-il. Aujourd’hui, les offres d’emploi sont rédigées de sorte que le candidat puisse déterminer ses avantages à postuler. » Une tendance à laquelle les entreprises s’adaptent tant bien que mal, en proposant de meilleures conditions de travail et des salaires plus élevés. « Lors de la semaine nationale des métiers de l’agroalimentaire qui vient de se terminer, l’association régionale de l’industrie alimentaire (Aria) a organisé un webinaire sur ce que les entreprises mettent en place pour faciliter la vie des salariés. Au sein de l’entreprise Nigay (Feurs, Loire), une salariée voulait faire une formation d’ostéopathe. L’entreprise lui a proposé de financer sa formation, en échange de séances d’ostéopathie pour les salariés de l’entreprise », illustre Jean-Michel Sotton.
Une filière qui a ses avantages
« L’industrie de l’agroalimentaire est très implantée en Auvergne-Rhône-Alpes. Tout le monde a une entreprise du secteur près de chez lui », rappelle Jean-Michel Sotton. Sans oublier que le secteur est plus rémunérateur que d’autres, et que les possibilités d’évolution dans ces métiers sont multiples. « Certains jeunes entrent dans le secteur après un BTS. Ils commencent en tant qu’assistants qualité, puis deviennent responsables, assistants de production et/ou parfois même directeurs d’usine », affirme-t-il. L’accent est également mis sur la facilité des salariés à pouvoir s’identifier au travers des produits qu’ils fabriquent. « Chez Révillon par exemple, les salariés sont plutôt fiers de fabriquer les papillotes que toute la France va consommer. » Pour le moment, 65 % des projets régionaux d'embauches sont jugés difficiles par les entreprises du secteur. Une situation qui croît et qui oblige les entreprises du secteur à capitaliser sur leur attractivité.