La location d’une petite parcelle
Le statut du fermage ne s’applique pas obligatoirement dans son entier pour les baux de petites parcelles.

Question : A la suite du décès de ma mère, je viens d’hériter de plusieurs terrains agricoles proches de Romans. Je savais que ma mère avait donné ses terrains en location par bail à ferme à plusieurs agriculteurs du village. Mais dans la succession se trouvaient également deux parcelles dont je ne connaissais pas l’existence. Les voisins m’ont appris qu’elles étaient exploitées par un même agriculteur. Elles font 26 ares pour l’une et 10 ares pour l’autre. Je n’ai pas retrouvé trace d’un paiement quelconque pour ces biens. Je souhaite établir un contrat de location avec l’agriculteur. Pour le montant du loyer, sauriez-vous me dire si je suis obligé de suivre l’indice départemental du fermage ? Existe-t-il des règles dérogatoires au statut du fermage en raison de la petitesse de ces terrains ?
Réponse : Le droit français établit effectivement un distinguo entre les parcelles de faible superficie et les plus grandes. Le statut du fermage ne s’applique pas obligatoirement dans son entier pour les baux de petites parcelles. Propriétaire et locataires, s’ils le désirent, peuvent soumettre leur contrat volontairement au statut, sinon les dispositions de ce dernier ne s’appliqueront pas intégralement. Pourquoi ? Les parlementaires n’ont pas souhaité apporter plus de protection que nécessaire aux projets économiques faibles. Il y a toutefois des conditions à remplir pour déroger au statut du fermage.
La première des conditions est la nature et la superficie des terres. Un arrêté préfectoral (n° 2012335-0019 du 30 novembre 2012 pour la Drôme) détermine donc pour chaque culture un seuil en dessous duquel une parcelle n’a pas à être soumise au statut :
- pour les terrains de polyculture élevage, le seuil est de 40 ares ;
- pour les terrains comprenant des vignes, vergers, pépinières, aspergeraies : 25 ares ;
- pour les terrains comprenant des cultures maraîchères intensives : 10 ares.
Ces seuils sont déterminés après avis de la commission consultative départementale des baux ruraux en appréciant les besoins locaux. Pour évaluer la superficie à prendre en compte, il faut additionner la totalité des superficies qu’un locataire exploite à un même propriétaire. Dans notre situation, les deux parcelles réunies font 26 et 10 ares, c’est-à-dire 36 ares ; si elles sont en polyculture, la première condition est donc remplie.
Par ailleurs, il faut aussi que les parcelles ne constituent ni un corps de ferme ni une partie essentielle de l’exploitation du locataire ; sinon, le statut du fermage s’appliquera. C’est au locataire d’apporter les preuves de cette qualification. Il n’existe pas de définition précise de ces termes. Le locataire doit s’attacher aux notions d’autonomie culturale, de bâtiments suffisants ou encore de revenus importants pour faire reconnaître un corps de ferme. Au demeurant, une parcelle a pu être considérée comme partie essentielle de l’exploitation si elle sert à irriguer l’exploitation du preneur ou si la perte de la parcelle entraînerait un déséquilibre économique important de l’exploitation par exemple. Les informations communiquées pour les parcelles proches de Romans ne nous permettent pas de savoir ici si cette condition est bien remplie.
Sauf volonté contraire des parties, le bail de petites parcelles n’a pas à répondre à l’obligation d’un écrit, ni à la durée minimum de neuf ans, ni même aux règles de détermination du prix du bail, ce dernier demeurant libre. Concernant le congé, il doit être donné en respectant les usages locaux, en principe six mois, par lettre recommandée avec accusé de réception. Il n’a pas à être motivé. A défaut d’un contrat écrit, ce sont les règles du code civil qui s’appliquent pour la détermination de la durée initiale du bail. Celui-ci « sera censé fait pour le temps qui est nécessaire afin que le preneur recueille tous les fruits de l’héritage affermé », soit un an pour un pré ou une vigne et, pour les terres labourables divisées en soles, pour autant d’années qu’il y a de soles.
Enfin, certaines dispositions du statut du fermage demeurent toutefois applicables dont, notamment, l’interdiction des sous-locations, l’indemnité au preneur sortant, le droit de résiliation du bail et la compétence du tribunal paritaire des baux ruraux pour les contentieux.
Le service juridique rural de la FDSEA 26, Nathalie Kotomski