Le Grand Repas : bien manger ensemble
Le 21 octobre prochain, l’évènement culinaire national Le Grand Repas, organisée par l’association éponyme, permettra aux citoyens d’un même territoire de partager, en même temps, un menu identique conçu à base de produits locaux et de saison.

Organisé pour la première fois en Val de Loire en 2016, Le Grand Repas est désormais un événement national proposé dans tous les territoires français et repris par ceux qui le souhaitent. L’association éponyme a vu le jour en 2019 à Paris grâce à Emmanuel Hervé, soutenu par deux ambassadeurs de la cuisine française, Thierry Marx et Guillaume Gomez. Cette association permet ainsi d’étendre l’initiative au niveau national, tout en valorisant un ancrage territorial fort. Cet événement culinaire unique a pour objectif de rassembler les Français autour des valeurs du « vivre ensemble » et du « bien manger ensemble » au travers d’une initiative regroupant gastronomie et traditions locales. En 2019, lors de la première édition nationale, Le Grand Repas avait réuni 230 000 convives sur dix territoires. Cette année, une quinzaine de territoires, dont la Drôme et l’Ardèche, participeront à l’opération le 21 octobre. Le principe ? Que l’ensemble des citoyens, jeunes ou moins jeunes, partagent un même menu conçu à base de produits locaux et de saison dans tous les espaces de restauration (traditionnels et collectifs) d’un même territoire. En Drôme-Ardèche par exemple, Julien Allano, le chef de cuisine étoilé du restaurant Le Clair de La Plume à Grignan, a créé un menu composé de plats locaux et gourmands : salade verte au picodon, sauté caprin et son panaché de chou, fromage blanc et dessert d’automne à la châtaigne.
Ces plats devront ainsi être reproduits par les chefs des restaurants collectifs volontaires. L’évènement implique un certain nombre d’acteurs de la restauration locale, à savoir les cantines scolaires, la restauration collective publique ou privée, la restauration traditionnelle, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les centres hospitaliers, les associations caritatives, etc. Mais aussi et surtout les producteurs et agriculteurs locaux. « C’est une belle initiative, qui peut rendre la journée plus joyeuse et apporter du bonheur dans les hôpitaux, les écoles et les Ehpads », affirme Julien Allano. Son restaurant Le Clair de La Plume a reçu l’étoile verte du guide Michelin en 2020. Cette distinction récompense les restaurants et les chefs qui se montrent responsables de leurs normes éthiques et environnementales. « Je suis très sensible à la localité, au bien manger et au bien-être dans l’assiette. » Il a préparé le menu pour 12 personnes : l’adaptation pour une reproduction à grande échelle s’est faite en collaboration avec Philippe André, chef de production de la cuisine de l’agglomération valentino-romanaise. « Nous avons adapté à tous en cuisinant simplement, c’est un menu bien fait, qui reste gourmand et basique, quasiment faisable à la maison », souligne Julien Allano.
Du côté de la Bourgogne-Franche-Comté, deux territoires prendront part à l’événement. L’Yonne, sous l’impulsion du chef de La Côte Saint-Jacques (Joigny), Jean-Michel Lorain. Il proposera un repas à base de salade de lentilles vertes du département, de joue de bœuf confite à la bourguignonne, de fromage frais au coulis de cassis de Bourgogne et de pomme au four avec son crumble de pain d’épices et fruits secs.
Défendre l’art de vivre à la française
Derrière cette idée de partager – et de faire découvrir – les produits locaux, se cache un désir de sensibilisation. En effet, Le Grand Repas permet également de sensibiliser les citoyens aux différentes problématiques et enjeux alimentaires : anti-gaspillage, circuits courts, histoire des produits, éducation au goût, à la santé et au bien-être, etc. Selon l’association Le Grand Repas, cette initiative « met l’accent sur le fait d’être bien ensemble, le plaisir du goût, l’harmonie entre l’être humain et les productions de la nature, et resserre les liens familiaux et sociaux. C’est un aspect essentiel de la culture et du patrimoine des Français par la transmission aux générations futures. C’est aussi le rappel des valeurs notamment attachées au savoir-vivre ». Des valeurs importantes, d’autant plus dans le contexte sanitaire actuel où ces moments privilégiés de partage et de convivialité contribuent à redonner de l’élan à la vie en société. C’est l’occasion également de montrer son soutien au monde de la restauration, fragilisé depuis le printemps 2020.
Amandine Priolet et Zoé Besle
Trois questions à Anne-Sophie Pic, marraine de l’édition 2021

Femme cheffe la plus étoilée dans le monde, avec huit étoiles Michelin, Anne-Sophie Pic est la marraine de l’édition 2021 de l’évènement Le Grand Repas.
Que représente pour vous un tel événement ? Est-ce important en tant que cheffe étoilée de soutenir ce type de manifestation ?
Anne-Sophie Pic : « Cela fait vraiment sens par rapport à mon ancrage dans la Drôme. Je suis issue de quatre générations de chefs, mais avant, ma famille avait des fermes, ils étaient paysans. J’ai toujours essayé de travailler le plus possible avec des gens de la région, dans le sens du local. Au-delà de ça, le Grand Repas a une connotation positive autour de la famille, de la réunion autour d’un repas. C’était important pour moi de participer : parce que le locavorisme est une revendication pour moi, mais aussi parce que le partage autour de la table fait partie de l’ADN français. »
On parle beaucoup de souveraineté alimentaire, quelle vision avez-vous aujourd’hui de l’alimentation et de la gastronomie française ?
A-S. P : « Je pense que c’est important d’être autonome, et de pouvoir ne pas faire forcément appel à de l’importation sur la majorité des produits. Mais je revendique aussi le droit d’aller s’inspirer ailleurs, il ne faut pas s’auto-centrer et rester ouvert sur ces sujets et les formes de culture qui nous sont étrangères. Je pense notamment au thé, au café, au chocolat, à certaines épices : même si on trouve certains de ces produits en culture locale française, auxquelles il faut s’intéresser, nous avons aussi une part de responsabilité envers les pays en voie de développement qui sont dépendants de ces productions. »
L’éducation au goût est-elle porteuse de sens, selon vous ?
A-S. P : « C’est un apprentissage qui doit commencer jeune, c’est d’ailleurs pour cela que j’ai créé ma fondation « Donnons du goût à l’enfance ». Cette éducation peut se faire par différents moyens : cultiver des herbes aromatiques par exemple, même sur un petit coin de balcon. Quand on fait pousser soi-même, il y a une émotion qui se crée. Faire le marché aussi, aller voir les producteurs chez eux pour découvrir et comprendre ce qu’ils font. Il faut cultiver le goût comme l’odorat, c’est vraiment notre mission. »