Le lisier épandu sans odeur et en limitant les pertes d’azote
Distribué en France par Mauguin Citagri, le procédé SyreN de la firme danoise BioCover consiste à acidifier le lisier au moment de l’épandage afin de réduire les pertes d’azote ammoniacal et les nuisances olfactives.

Les agriculteurs souhaitant bien exploiter toute la valeur fertilisante de leur lisier et épandre sans nuisance olfactive pourraient se laisser séduire par le SyreN. Ce dispositif, conçu par la société danoise BioCover et distribué en exclusivité en France par Mauguin Citagri, consiste à acidifier le lisier, afin de transformer l’azote ammoniacal, particulièrement volatile, en sel d’ammonium. Cette dernière formulation chimique présente les plus faibles pertes dans l’environnement, grâce à sa charge d’ions positifs. Les cations ammonium (NH4 +) se fixent en effet sur les minéraux du sol. Pour convertir l’ammoniac en ammonium, le système SyreN abaisse le pH du lisier en utilisant de l’acide sulfurique : à 6,4, le fabricant annonce réduire les émissions d’azote ammoniacal de 50 % et d’environ 100 % à pH 5,5. La dose apportée pour abaisser le pH à 6,4 dépend du pH initial et se situe en moyenne à 1 l/m3 en lisier de bovins et à 1,5 l/m3 en effluents de porcs. En digestat d’unités de méthanisation au pH très élevé (jusqu’à 9), la quantité atteint parfois 4 voire 5 l/m3. L’injection d’acide sulfurique présente par ailleurs l’intérêt d’assurer la fertilisation soufrée, à hauteur de 1,44 kg de SO3 par litre.
Pesant environ 3 t en charge, le module frontal intègre un conteneur de 1 000 l rempli d’acide (1,8 t), une réserve d’eau claire et une cuve pour l’ajout d’additifs dans le lisier. ©D. Laisney
L’acide sulfurique injecté à l’épandage
Le procédé SyreN se justifie particulièrement dans le cas d’épandage par rampes à pendillards avec lesquelles le lisier est déposé en surface. Il impose la présence d’un débitmètre sur la tonne et fait appel à un module accroché sur le relevage frontal du tracteur, qui intègre un conteneur IBC de 1 000 l à double paroi pour le transport de l’acide, ainsi qu’une réserve d’eau pour le rinçage de la tuyauterie. Le transfert de la cuve avant vers la tonne à lisier s’opère à l’aide d’une pompe en inox et de flexibles spécifiques pourvus de raccords sans écoulement. Tout dételage de l’équipement demande de rincer au préalable les canalisations à l’eau claire. Pour des raisons de sécurité, l’injection s’opère sur la canalisation de refoulement de la tonne à lisier alimentant le ou les broyeurs répartiteurs. L’apport d’acide dans l’effluent s’accompagne, en effet, d’une montée en température et d’un moussage qui augmente son volume. La quantité injectée est gérée par le terminal Isobus du tracteur ou par une console fournie par BioCover. Elle dépend de l’objectif recherché en priorité : fertilisation soufrée ou réduction du pH. Dans le second cas, le pH est mesuré en permanence par un analyseur embarqué sur la rampe et aucun ajout d’acide n’a lieu dans les cinq premiers mètres cubes épandus à chaque nouveau chantier, le temps du calibrage du système.
L’injecteur d’acide est situé sur la canalisation alimentant l’équipement d’épandage. ©D. Laisney
Traçabilité des apports et du pH
Le fonctionnement du système BioCover est particulièrement sécurisé. Le chauffeur doit d’abord créer un chantier et renseigner le nom du client sur la console Isobus. L’injection de l’acide est ensuite soumise à certains critères : allure d’avancement minimale prédéfinie, débit d’au moins 2 m3/min, vanne en position d’épandage et prise de force en rotation. Durant le chantier, le GPS et la carte SIM intégrés dans le dispositif garantissent une totale traçabilité. Toutes les dix secondes, les données sont transmises vers un serveur dédié, qui stocke le nom du client et du champ, la date et l’heure, le volume d’effluents épandu, le pH du lisier avant et après traitement, la quantité d’acide injectée… Il est aussi possible de localiser la tonne depuis un ordinateur durant le chantier. Toute cette technologie représente un investissement conséquent : 72 000 à 80 000 € pour l’équipement SyreN et la formation des utilisateurs. A ce montant, il convient d’ajouter l’abonnement internet de 600 €/an, le renouvellement tous les six ans des flexibles transportant l’acide, le remplacement tous les cinq ans de la cuve interne du conteneur IBC et tous les dix ans de sa paroi externe.
L’analyseur de pH prend place sur un des tubes de descente du lisier. Son capteur doit toujours être immergé et remplacé tous les ans. ©D. Laisney
David Laisney
Des additifs pour amender le lisier
Le module frontal du SyreN intègre un dispositif pour l’incorporation d’additifs. Il est ainsi possible, au moment du remplissage de la tonne, de traiter le lisier avec un inhibiteur de nitrification d’azote qui retarde la transformation de l’azote ammoniacal en nitrates, limitant ainsi les pertes par lessivage.
Ce procédé diminue également les émissions de N2O, un gaz à effet de serre puissant, et améliore la qualité des récoltes (hausse de la valeur nutritive et gain en taux de protéines). La cuve à additif donne aussi la possibilité d’incorporer du sulfate de fer, afin de diminuer certaines odeurs, comme celle d’œuf pourri des eaux usées des stations d’épuration. Elle peut s’utiliser également pour apporter du nitrate de manganèse, dans le but de corriger les carences du sol.
Le module frontal du système SyreN intègre une cuve pour l’incorporation d’additifs dans le lisier au moment du remplissage de la tonne à lisier. ©D. Laisney
Le transport d’acide soumis aux règles ADR
Le transport de l’acide sulfurique indispensable au système Syren doit répondre, comme pour toutes les matières dangereuses, à la réglementation européenne ADR. Toutefois, l’ensemble constitué de la tonne à lisier et de la cuve IBC intégrée dans le module monté sur le relevage avant du tracteur, constitue un outil de travail qui dispense le chauffeur des formations obligatoires. En revanche, il est interdit pour l’utilisateur d’emporter sur le chantier les conteneurs IBC sur une remorque agricole ou tout autre plateau. L’acide sulfurique doit alors être livré sur l’exploitation, à la Cuma ou à l’ETA par le fournisseur, et le changement de cuve durant l’épandage s’effectue au même endroit.
L’intégration du conteneur IBC rempli d’acide sulfurique dans le module frontal du système SyreN dispense le chauffeur de formation ADR. ©D. Laisney