Le paysan boulanger, cet agriculteur qui fait aussi du pain

Il est 6 h 30 quand Thomas Bony commence à pétrir sa pâte. Les gestes sont appliqués. Pourtant, dans une vie antérieure, il était ingénieur. Aujourd'hui, Thomas Bony est paysan boulanger. « J'ai souhaité me tourner vers d'autres horizons professionnels. Pour moi, les questions autour de l'environnement et de l'alimentation étaient centrales. J'ai été encouragé par ma femme, agronome de formation. C'est vrai qu'au départ j'ai hésité avec de l'élevage mais finalement j'ai opté pour le pain. J'aime ce rapport à la pâte et le travail de la matière. Cette manière de faire le pain m'a fait rêver », explique-t-il. Après avoir été formé, ce père de deux enfants, âgé de 39 ans, s'est officiellement installé en 2016 à Besayes, dans la Drôme.
Il est l'un des associés de la Ferme des routes (Gaec).
Au fournil et dans les champs
Ce qu'il aime aussi, c'est l'alternance entre le travail dans le fournil et celui des champs. « Nous sommes sur des rythmes différents et ça casse la monotonie. Il y a des jours à la ferme et des jours aux pains. Faire du pain est une activité assez physique, je ne ferais pas cela tous les jours. Je suis aujourd'hui du bon côté de la barrière », raconte-t-il. Cinq références sont à ce jour produites : un pain au levain traditionnel, un pain brioché, un pain au seigle, un autre avec des graines de tournesol et de lin, ainsi qu'un pain au petit épeautre.
Des variétés anciennes
Les céréales sont produites sur les terres de l'exploitation (environ 40 ha au total). Thomas Bony a opté pour des variétés anciennes de blé.
« Je ne voulais pas de variétés modernes qui auraient pu aller trop loin dans la sélection. Les variétés anciennes sont également appréciées pour leur rusticité et sont moins concernées par les maladies et ravageurs. Il faut dire que l'exploitation est en agriculture biologique. Une variété ancienne – comme florence aurore qui était encore présente ici dans les années 1950 – est également ancrée dans le terroir. Enfin, je souhaite vraiment donner à manger autre chose, le plus sain et le plus digeste possible », explique-t-il.
Les rotations dépendent des besoins de la ferme : de la luzerne, du méteil, quelques cultures de printemps, de l'orge... Pour autant, la dernière récolte de blé n'a pas été satisfaisante. « J'aurais dû récolter 2 à 2,5 tonnes à l'hectare. J'étais plutôt sur 1,5 tonne », relate le paysan boulanger. Il devra donc acheter du blé mais reconnaît que cette situation ne pourra pas durer sur le long terme. Il en va de la viabilité de l'activité. De nouveaux itinéraires techniques devront être pensés.
« Je n'achète rien pour amender, je profite du fumier des brebis laitières. Le sol présente un déficit en potasse et il manque de l'azote », confie-t-il.
La valorisation à la ferme
Le paysan boulanger cultive, fabrique... et vend. Près de 40 % de la production est vendue directement à la ferme. Thomas Bony peut également compter sur plu-
sieurs magasins de producteurs situés dans la moitié nord du département. Ses pains s'écoulent aussi en Amap, ainsi que dans une épicerie (dépôt-vente). Enfin, il est présent physiquement sur un marché alimentaire. Une expérience qu'il aime faire partager, notamment lors des portes ouvertes de la ferme. « Ce qui intéresse les gens, c'est ce côté de tout faire. C'est vrai que c'est du travail, mais je pense que ça en vaut la peine », conclut-il.
Aurélien Tournier
Quels coûts et équipements ?
Aujourd’hui, Thomas Bony a choisi d’employer un salarié, afin de lui prêter main-forte. Ce qui permet de doubler le nombre de fournées, soit quatre par semaine. L’enjeu est double : il s’agit de répondre à la demande mais aussi amortir les investissements, dont le montant s’est élevé à 100 000 euros*. Thomas Bony a, en effet, dû construire un hangar. Il a aussi acheté du matériel : un four, des silos, des trieurs à grains (alvéolaire et nettoyeur-séparateur) ainsi qu’une décortiqueuse pour le petit épeautre. Il possède également son propre moulin à meule de pierre (type Astrié). Petit volume oblige, mais pas seulement. L’agriculteur voulait être autonome.
« J’ai aussi une super farine, il y a là une vraie valeur ajoutée. Je valorise mon blé. Il y a tout intérêt à la faire soi-même », précise-t-il.
Afin de nourrir son feu, le paysan boulanger achète des chutes de bois auprès d’une menuiserie locale.
« Un bon rapport qualité-prix », note-t-il. « Il faut faire du chiffre d’affaires afin de rentabiliser les outils de travail. Il faut que ça tourne », ajoute Thomas Bony. Le moulin ainsi que le four pourraient servir davantage. La prestation de services est ainsi envisagée. « Je fais déjà du décorticage de petit épeautre », précise-t-il. De la farine est également vendue à un autre boulanger.
Une mutualisation de moyens
En ce qui concerne le matériel dans les champs, l’agriculteur fait partie d’une cuma. Il dispose ainsi d’un tracteur ou encore d’un épandeur à fumier, d’une moissonneuse-batteuse...
Thomas Bony n’est pas seul sur l’exploitation. Il est associé au sein d’un Gaec (en polyculture
et élevage). Lequel compte aussi deux maraîchers ainsi que deux bergers fromagers. Même si les activités sont autonomes, le fonctionnement permet la mutualisation de certains outils. Une aide appréciable. L’exploitation possède également son propre magasin de vente directe. Y sont notamment vendus des yaourts fermiers ainsi que des fruits et légumes de saison. Les pains peuvent dès lors élargir la gamme des produits proposés.
A.T.
* L’exploitant a dû emprunter une partie de cette somme. Il a également bénéficié d’une aide Feader, à hauteur de 40 %.