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Climat

Le pluviomètre est plein pour les filières végétales

Le mois de mai a été le plus pluvieux depuis 2013. Ces précipitations à répétition ont perturbé le début de campagne des fruits d’été et amoindri le potentiel des céréales à paille.

Le pluviomètre est plein pour les filières végétales
La météo a impacté les rendements de la production de cerises. ©Christophe Gratadour

«Il y en a ras-le-bol de ce temps », s’exclame Grégory Chardon, viticulteur, arboriculteur de la Drôme et président de la section arboriculture de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes. Un sentiment partagé par de nombreux agriculteurs. Et il y a de quoi.  Selon Météo-France, le printemps météorologique (mars-avril-mai) a été « le plus pluvieux depuis 2008 », « avec une anomalie de + 45 % » de précipitations quand le mois de mai 2024 a été le plus pluvieux depuis 2013. Des conditions météorologiques hors normes qui impactent le début de la saison des fruits d’été, notamment de la cerise. « La floraison et la nouaison ont été perturbées par les conditions météorologiques exceptionnelles de ce printemps. Nous avons connu une période de froid prolongée, des coups de chaud au mois d’avril, de l’excès d’eau et quelques grêlons par endroit. Conséquence : la chute physiologique a été importante », explique Christophe Gratadour, responsable d’équipe arboriculture à la chambre d’agriculture du Rhône qui estime les pertes en cerises entre 30 et 50 % selon les secteurs. « La situation est très hétérogène. » À cela s’est ajoutée une période de pluie sans discontinuer sur toute la première partie de la récolte de cerises, provoquant de l’éclatement et une tenue de fruits pas forcément exceptionnelle. Dans l’Isère, le constat est le même pour Jérôme Jury. « Nous avons subi près de 80 % de perte sur nos cerises », déplore l’arboriculteur qui au-delà de la météo s’inquiète des difficultés de recrutement, de la disparition de molécules sans solutions efficaces et des prix qui ne sont souvent pas à la hauteur. En abricots, les professionnels de la filière déplorent la coulure des fleurs. Concernant les pêches et les nectarines, le constat est identique. Enfin, pour les pommes et les poires, « nous avons connu des chutes physiologiques très tardives. Il y aura des parcelles déficitaires en poires », prévoit le technicien de la chambre d’agriculture du Rhône. 
Côté maraîchage, Aurélien Ratton, président du comité légumes en Auvergne-Rhône-Alpes, est formel : « Nous ne commençons pas la saison avec les bonnes cartes ». En effet, les conditions météorologiques ne permettent pas aux maraîchers de planter tous les jours. Résultats : des étals parfois un « peu maigres » tirant les prix aux consommateurs vers le haut. Et Aurélien Ratton le sait déjà : pour certaines cultures d’hiver aussi la saison s’annonce compliquée l’implantation n’ayant pas pu se faire dans des conditions optimales. 

Céréales : potentiel en baisse

Ces pluies et ce manque d’ensoleillement ont également grevé le potentiel des céréales à paille. Ainsi, le rendement de l’orge d’hiver est attendu, au 1er juin, à 67,3 q/ha, en baisse de 5,1 % par rapport à 2023, indique le service de statistique du ministère de l’Agriculture (Agreste), dans sa note de conjoncture parue le 11 juin. Conjuguée à celle des surfaces (- 5,9 %), cette baisse tire la production vers le bas, à 8,6 Mt (- 10,7 %). À l’échelle régionale, des disparités apparaissent, avec une stabilité du rendement dans le Grand-Est (+0,3 %) et en Bourgogne-Franche-Comté (+ 0,5 %), et une baisse dans les autres régions, dont Centre-Val de Loire (- 6,9 %). Du côté du colza d’hiver, le rendement est attendu à 31,6 q/ha, en baisse de 0,2 % par rapport à 2023 et de 3,3 % par rapport à la moyenne 2019-2023. Avec des surfaces en légère baisse (- 1 %), la production est attendue à 4,2 Mt (- 1,2 %/2023 ; +11,5%/2019- 2023). Des disparités importantes apparaissent selon les régions par rapport à 2023 : le rendement progresse en Grand Est (+ 3,6 %) et dans les Hauts-de-France (+ 5,3 %), tandis qu’il diminue en Normandie (- 0,3 %) et Centre-Val de Loire (- 3,1 %). Du côté des céréales d’hiver, les tendances se profilent. En raison des mauvaises conditions climatiques, au semis (pluies, inondations), puis au printemps (pluies, faible ensoleillement), le potentiel de rendement des céréales à paille s’est « dégradé », a indiqué Abir Mahajba, chargée d’études Céré’Obs, à l’issue d’un conseil spécialisé Grandes cultures de FranceAgrimer le 12 juin. Seulement 62  % des surfaces de blé tendre seraient dans un état bon à très bon, contre 87 % l’an passé. Le chiffre descend à 41 % en Nouvelle-Aquitaine, région la plus touchée par les intempéries. Les mauvaises conditions de semis ont notamment aggravé le développement des mauvaises herbes graminées (vulpin, ray-grass). « Presque toutes les parcelles sont touchées, certaines sont envahies, parfois méthanisées, d’autres ont quelques tâches, peu sont très propres », a indiqué le président du conseil spécialisé, Benoit Piétrement, qui s’inquiète de la persistance des graines dans le sol et du manque d’outils de lutte. En maïs moins d’inquiétude : malgré onze jours de retard dans les semis (chiffre médian comparé aux cinq années précédente), le conseil spécialisé ne relève pas de « facteur limitant significatif à ce jour ». « Même semé tard, le maïs a une capacité de récupération, je n’ai pas trop d’inquiétude lorsqu’il a pu être semé dans de bonnes conditions », a précisé Benoît Piétrement. 

Marie-Cécile Seigle-Buyat avec Agra Presse