Le Vercors voit la vie en bleu

C'est un fromage de qualité, aujourd'hui intimement lié à son territoire. Mais il n'en a pas toujours été ainsi. Si la création du bleu du Vercors-Sassenage remonte au Moyen-Age, alors que le transport du lait rendu difficile, à cause du relief et du climat du Vercors, avait incité les paysans à le transformer en fromage, il n'a pas été loin de disparaître. Pourtant, grâce à la volonté et au travail de quelques producteurs, le bleu du Vercors-Sassenage est devenu le fleuron du massif, labellisé appellation d'origine contrôlée (AOC) en 1999.
Vingt-et-un jours
Qu'il soit produit au sein de la coopérative Vercors-Lait ou dans les caves des neuf producteurs fermiers du massif, tous ceux qui participent à sa fabrication sont attachés à la recherche de la plus grande qualité possible. En amont, les éleveurs sont soucieux de leurs fourrages pour nourrir les trois races reconnues : montbéliarde, abondance et villarde. Les fromagers de la coopérative respectent scrupuleusement les différentes étapes de sa fabrication. Et les producteurs-fermiers, qui ont œuvré d'arrache-pied, en 1993, pour remettre au point sa recette ancestrale, n'ont eu de cesse de la perfectionner pour en améliorer la régularité.
Le processus de fabrication du bleu relève d'une parfaite maîtrise technique. « Après avoir été collecté, le lait est mis en cuve à 34°C avec des ferments (pénicillium roqueforti). On lui ajoute de la présure pour le faire coaguler. Quand le lait a pris, il est décaillé, c'est-à-dire, coupé en petits cubes d'un centimètre. S'enchaînent ensuite différentes étapes de brassage et de repos, puis les moules sont remplis. Ils sont retournés sept à huit fois tout au long de la matinée. L'après-midi, ils sont démoulés et salés. A J +1, ils seront retournés et salés avec du gros sel pour extraire une saumure à partir du sérum de fromage. A J +2, ils sont à nouveau salés et mis sur des grilles.
A J +7, ils sont piqués de chaque côté avec des aiguilles pour faire entrer l'air et permettre au bleu - la moisissure - de se former. C'est le persillage. Cette opération est renouvelée à J +14. Ils sont ensuite entreposés en salle d'affinage et ressortis au bout de 21 jours, durée nécessaire pour fabriquer un bleu du Vercors-Sassenage AOC », explique Flavie Ruel, fromagère à Vercors-Lait. Utilisation d'un lait thermisé pour un bleu fabriqué en laiterie, d'un lait cru pour un fermier : telle est la principale différence entre les deux.
Sa fabrication fermière est d'autant plus délicate. « C'est un fromage assez difficile à préparer. Il y a des périodes où il est très bien et d'autres non, et nous avons du mal à identifier pourquoi. De nombreux paramètres entrent en compte », explique Jean-Charles Didier, de la ferme de la Bourrière, la première à avoir remis au point sa recette.
A l'origine de nombreuses recettes
Mais l'engouement pour le bleu du Vercors-Sassenage va au-delà de ses seuls producteurs. La dynamique est partagée, puisque, peu à peu, l'ensemble des acteurs du territoire se l'est approprié, joue le jeu de son utilisation, et même de sa promotion, de l'intérieur du massif jusqu'aux allées du Salon de l'agriculture. « Ce bleu doux au goût subtil et à l'arôme noisette » a convaincu les restaurateurs et même les maîtres-restaurateurs qui ne font pas que le servir sur leur plateau. « C'est un fromage qui fond très bien et qui donne du goût. Il peut être à l'origine de nombreuses préparations culinaires », affirme Jean-Charles Didier. « Ses multiples utilisations sont une chance », reconnaît Paul Faure, producteur de lait et président de Vercors-Lait, fier de son produit et du chemin parcouru. « Nous ne sommes plus la plus petite AOP de France et nous avons encore des marges de progression ».
Isabelle Brenguier

« Le bleu du Vercors-Sassenage, on en redemande »
La tarte au poireau et au bleu du Vercors-Sassenage est l’un de ses classiques. Cela fait huit ans qu’elle figure à sa carte, car ses clients - petits et grands - l’adorent. Enfant du pays exilé en Auvergne pendant une dizaine d’années, Bruno Delille, passionné de cuisine, a toujours voulu revenir aux sources dans son Vercors natal. Il a pu réaliser son rêve lorsqu’il a repris, voilà presque douze ans, l’hôtel-restaurant du Vernay à Autrans, un établissement qu’il veut ancrer dans son territoire. Ce chef, certifié maître-restaurateur depuis janvier 2015, n’a donc eu de cesse de coller avec les lieux. « Nous sommes dans un parc naturel régional. Nos visiteurs pratiquent des sports de contemplation. Il est logique que nous leur proposions une restauration cohérente avec ce qu’ils viennent chercher, c’est-à-dire élaborée avec des produits locaux et de saison. Il n’est pas question de servir un fraisier en hiver ou une Vercouline accompagnée de charcuterie en été. Je la propose avec un pain de mie toasté, façon bruschetta, et un rougail de tomates », explique Bruno Delille.Plutôt trop de bleu que pas assez
Alors, le bleu du Vercors-Sassenage a toute sa place dans la cuisine du chef. Même s’il faut le faire (re)découvrir, car le non initié craint toujours que ce fromage à pâte demi-molle persillée soit un peu fort. « Mais une fois qu’il l’a goûté, le consommateur en redemande. Quand mes clients commandent une raclette, ils commencent par la traditionnelle, qu’ils connaissent, et ils terminent par le bleu du Vercors-Sassenage », s’amuse Bruno Delille. Dans sa tarte (une version revisitée de la recette proposée par la coopérative Vercors-lait), le maître-restaurateur estime « qu’il faut plutôt trop de bleu que pas assez, car il faut que le bleu fonde dans le poireau. Et de la crème. Dans le Vercors, nous confectionnons nos plats avec de la crème, pas avec du fromage ». Au- delà de cette tarte et de la Vercouline, le chef dispose encore d’autres recettes élaborées avec du bleu du Vercors-Sassenage : les noix de Saint-Jacques sauce au bleu et le Murçon sauce au bleu. Des associations qui ne manquent pas d’originalité. A découvrir. I. B.
Fête du Bleu du Vercors-Sassenage
Les 30 et 31 juillet à Méaudre
C’est une nouvelle commune du Vercors, Autrans-Méaudre-en-Vercors (38), née en ce début d’année de la fusion des communes d’Autrans et de Méaudre, qui accueillera la seizième édition de la Fête du Bleu ce week-end. Saveurs et savoirs du Vercors constituent le thème de l’édition 2016, thème choisi par les habitants de Méaudre. Ils souhaitent ainsi mettre en valeur les nombreux savoir-faire locaux (agricole, artisanal, gastronomique…) et les mets aux saveurs exceptionnelles qui en résultent. Les races animales locales seront également mises en avant (vache Villarde, cheval du Vercors de Barraquand, poule Grise du Vercors).
Pléthore d'animations
Tout au long des deux jours de la Fête du bleu, pléthore d'animations sont prévues : spectacle retraçant l’histoire du cheval du Vercors de Barraquand, défilé des vaches primées du comice, défilé des jeunes éleveurs et de leurs animaux, traite, exposition de vieux tracteurs, place des fromagers, démonstrations culinaires… Dans la cour de l’école, un espace proposera des jeux pour les petits mais également des activités pour toute la famille. Des associations locales vous présenteront leurs actions. Au programme également : danses folkloriques ou batucada et concerts variés chaque fin de journée...
Un parrainage étoilé
Dimanche, Christophe Aribert et le syndicat de la clairette de Die et des vins du Diois animeront un atelier « accords mets et vins ». Avec deux étoiles au guide Michelin et quatre toques au Gault et Millau, on ne présente plus ce virtuose de la haute gastronomie. Originaire d'Autrans, où ses parents tiennent un hôtel-restaurant, il choisit d'exercer lui aussi ses talents en cuisine. Après avoir travaillé dans les plus grands restaurants parisiens, il revient à la tête de l'établissement « Les terrasses d'Uriage », à Uriage-les-Bains. L'attachement qu'il porte au territoire du Vercors est connu de tous et se manifeste au travers de ses préparations culinaires où produits du Vercors sont sublimés.