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OUTILS

Les combinaisons gagnantes pour le désherbage

Les essais conduits par la station de La Morinière (Indre-et-Loire) ont été présentés lors des rencontres phytosanitaires organisées par le CTIFL et la Direction générale de l’Alimentation (DGAL) fin 2020. Après avoir évalué un panel d’outils et de porte-outils, l’équipe a testé plusieurs combinaisons adaptées à différents types de vergers. 

Les combinaisons gagnantes pour le désherbage
L'une des combinaisons les plus intéressantes : disques émotteurs et sarcleuse à doigts. © CTIFL

Disques émotteurs et sarcleuse à doigts : une association performante pour les vergers plantés à plat
« C’est l’une des combinaisons les plus intéressantes, estime Anne Duval-Chaboussou, du CTIFL. Quand le tracteur avance, les disques émotteurs créent une bande de terre meuble dans laquelle les sarcleuses à doigts dissocient les mottes ». Alignés les uns à côté des autres (on peut coupler jusqu’à 6 disques), les disques émotteurs déracinent l’herbe développée tout en ameublissant les sols compacts. Leur limite : ils permettent de ne travailler que le long de la ligne de plantation, et non entre les arbres. Quant à la sarcleuse à doigts, « son système d’effacement par appui permet de s’approcher au plus près des souches », précise l’experte. Efficace surtout sur les plantes peu développées, la sarcleuse à doigts est très performante dans les vergers à plat, mais moins adaptée aux buttes (il reste une ligne non désherbée sur le haut).
Itinéraire technique : un léger chaussage à l’automne à une vitesse de 4 à 6 km/h (estimé à 90 €), suivi par trois binages en sortie d’hiver, au printemps et en été. La combinaison disques émotteurs-sarcleuse à doigts permet une vitesse de travail rapide de 7 à 8 km/h (estimation : trois fois 106 €).
Coût total : 407 €/ha et par an (contre 178 € en désherbage chimique).

Griffe, lames et dents : une combinaison bien adaptée aux vergers sur buttes
Cette solution combine trois outils : une griffe pour ouvrir le sol, une lame pour couper les mottes d’herbe et des dents pour dissocier les mottes. « C’est une combinaison particulièrement adaptée aux vergers sur butte, indique Anne Duval-Chaboussou. Dans ce cas, il est nécessaire d’avoir une roue de terrage pour éviter que la lame ne rentre trop en profondeur et n’abime le système racinaire. » Efficaces entre les arbres, sur les jeunes plantules comme sur les herbes, les lames doivent être complétées par un outil de dissociation des mottes. Point de vigilance : cette combinaison requiert un certain nombre de réglages pour éviter que les outils ne pénètrent trop en profondeur dans la butte.
Itinéraire technique : trois passages de combinaison de dents et de lames (automne, sortie d’hiver et printemps) à vitesse d’avancement assez lente (2-3 km/h) pour un coût estimé à 3 fois 128 €/ha, puis un passage de Rotofil au printemps ou en été  (147 €/ha).
Coût total : 530 €/ha et par an (contre 178 € en désherbage chimique). 

Marianne Boilève

Huit techniques au banc d’essai

Le CTIFL a réalisé une synthèse d’essais comparatifs à partir d’un grand nombre de projets d’arboriculture fruitière dans différentes structures (CTIFL, Inrae, Grab, réseau des chambres d’agriculture…). L’organisme a mesuré : l’impact sur la production (vigueur et rendement) ; le coût (main-d’œuvre et investisement) ; l’efficacité sur la gestion des adventices et ses points forts et faibles.
➊ Désherbage mécanique
Impact : moyen à fort. Coût : moyen à fort. Efficacité : bonne à moyenne. +/- : efficacité sur les campagnols ; enfouissement de l’engrais facilité ; meilleure infiltration de l’eau d’irrigation.
➋ Bâches
Impact : aucun. Coût : moyen. Efficacité : bonne à moyenne. 
+/- : maîtrise de l’herbe difficile au pied des arbres et au long de la bâche ; inégale incorporation des engrais ; risque campagnols accru (pommiers) ; problème du recyclage des bâches ; nécessité d’irriguer sous les bâches.
➌ Enherbement semé ou spontané
Impact : important au bout de 4 à 5 ans. Coût : faible pour l’enherbement naturel. Efficacité : plutôt bonne malgré quelques adventices non souhaités. +/- : meilleure porosité et moindre tassement ; meilleure vie biologique du sol ; difficultés d’implantation et d’entretien (pour l’enherbement semé) ; risque campagnol (si trèfle) ; gain d’azote avec légumineuses ; certaines espèces favorisent les auxiliaires ; problème d’alternance.
➍ Méthode sandwich
(Travail du sol de chaque côté du rang et enherbement de la bande centrale du rang de plantation)
Impact : moyen. Coût : moyen. Efficacité : moyenne. +/- : équipement nécessaire pour la gestion de la bande enherbée ; légère perte de vigueur et de rendement sur arbres jeunes ; perturbe les campagnols.
➎ Paillages naturels
Impact : moyen à fort. Coût : élevé. Efficacité : bonne. +/- : besoin régulier des apports ; intérêt sur jeunes plantations et cultures conduites en buisson à enracinement très superficiel.
➏ Vapeur ou eau en surpression
Impact : faible. Coût : élevé. Efficacité : Faible. +/- : impact sur les jeunes plantules uniquement ; faible rémanence ; faible vitesse d’avancement (1 km/h).
➐ Brûleurs
Impact : moyen. Coût : élevé. Efficacité : moyen. +/- : risque de départ de feu ; faible durabilité de la technique (20 kg de gaz/ha) ; faible vitesse d’avancement (2-3 km/h).
➑ Herbicides de biocontrôle
Impact : faible. Coût : élevé. Efficacité : faible. +/- : faible rémanence. 

DÉSHERBAGE : intérêts et limites des techniques alternatives

Près de 40 % des producteurs de fruits intègrent des méthodes alternatives au désherbage chimique. Les effets sont souvent positifs, mais peuvent avoir des répercussions sur les systèmes d’exploitation.
Face au plan de sortie du glyphosate et au retrait progressif des herbicides, les producteurs de fruits apprennent à gérer « autrement » l’enherbement de leurs parcelles. Une enquête réalisée en 2019 par le Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) auprès d’un millier d’exploitations fruitières (12 % du verger France) indique que dans près de 90 % des parcelles, les inter-rangs sont enherbés et entretenus par gyro-broyage. Et si 69 % des exploitations n’utilisent plus aucun herbicide, 31 % pratiquent un désherbage chimique occasionnel, essentiellement pour faciliter la récolte (dans la moitié des cas) ou pour gérer des ronds d’adventices. L’enquête révèle une « prise de conscience écologique à l’œuvre dans les systèmes conventionnels », analyse Maria-Martha Fernandez, chargée de programme au CTIFL. Près de 40 % des exploitations fruitières disent en effet intégrer des méthodes alternatives dans leur conduite, soit par anticipation du retrait de certaines substances actives, soit par respect d’un cahier des charges, ou encore par souci de préserver la vie du sol ou la santé du personnel d’exploitation.
La tonte des rangs d’arbres est l’alternative la plus utilisée (62 % des exploitations en conventionnel et 69 % en AB), suivie par le désherbage mécanique par travail du sol (29 % en conventionnel et 38 % en AB). Les autres méthodes (plantations sur bâches, couvre-sols, désherbage manuel ou thermique, débroussailleuse, pâturage…) ne sont utilisées que de manière anecdotique.
Aussi intéressantes soient-elles, ces techniques ont des répercussions sur les systèmes d’exploitation. Les producteurs interrogés par le CTIFL ont fait remonter des baisses prévisibles de performances (pertes de rendement transitoires ou plus durables), mais aussi une hausse des charges de production (surcroît de main-d’œuvre, augmentation des temps de travaux, coût de l’investissement…). Autant d’éléments qui peuvent engendrer une perte de compétitivité, mais aussi une réduction des marges plus ou moins importante selon les filières. Le CTIFL a estimé la baisse entre 1840 et 3680 euros pour la pomme.
Autre point de vigilance : les impasses techniques. L’étude du CTIFL a fait remonter six cas d’« impasse absolue » et cinq cas « pour lesquels une transition à moyen terme n’est envisageable que sous réserve d’une amélioration des méthodes ou des équipements ». 
Marianne Boilève

Du fumier pour compenser la perte de rendement

Le CTIFL a mis en place un essai de désherbage sur un jeune verger de pommiers (planté en 2017). L’essai a comporté trois modalités : une référence « désherbage chimique » et deux modalités « désherbage mécanique », dont l’une a bénéficié d’une double fertilisation (ajout de 50 t/ha/an de fumier à l’automne, soit 80 unités d’azote/an). 
En 2018, le désherbage a été effectué avec des brosses et des dents ; en 2019 avec la combinaison disques émotteurs / sarcleuse à doigts ; et en 2020 avec l’association dents / lames et rotofil. Côté rendement, la modalité « désherbage mécanique » seule a conduit à une récolte nettement inférieure à la référence « désherbage chimique » (34 t/h de pommes contre 63), alors que la modalité « mécanique + sur-fertilisation » permet de compenser en partie l’impact du désherbage mécanique (43 t/ha contre 63). 

Matériels en images