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AGROÉQUIPEMENT

Loïc Morel : “ La production industrielle a pris du retard ”

Directeur général de l’entreprise Sicoit dans la Drôme, Loïc Morel a pris en mars dernier la présidence du Sedima, le syndicat national des entreprises de service et distribution du machinisme agricole, d’espaces verts et des métiers spécialisés (élevage, irrigation, viticole-vinicole…), organisation qu’il connait bien puisqu’il était membre du bureau exécutif depuis 2018. L’occasion de faire avec lui le point sur la situation de la filière. 

Loïc Morel : “ La production industrielle a pris du retard ”
Loïc Morel © AP

Après la crise de la Covid-19 en 2020, quel bilan dressez-vous de la situation du marché de l’agroéquipement à mi-2021 ?
Loïc Morel : « Nous avons eu la chance que l’agriculture soit considérée comme essentielle dès le premier confinement. Les agriculteurs, arboriculteurs, viticulteurs ont continué de travailler. Pour maintenir son activité, le secteur agricole a besoin de ses concessionnaires. Il a donc fallu s’adapter en aménageant les entreprises et le temps de travail des salariés. De ce fait, l’activité s’est poursuivie et le bilan à mi-2021 est plutôt favorable. En revanche, nous subissons de plein fouet les conséquences de cette crise, et notamment la pénurie et la hausse du coût des matières premières. »

Qu’en est-il réellement ?
L. M. : « Les multinationales avec qui l’on travaille – en Allemagne, Chine, Corée, Etats-Unis, etc. – ont fermé pendant plusieurs semaines pendant la crise sanitaire. La production industrielle a donc pris du retard, et les impacts se ressentent aujourd’hui dans nos concessions. Nous devons faire face à des délais assez énormes, multipliés par deux voire trois.  A cela s’ajoute la hausse des prix des matières premières (augmentation de l’acier, du coût de transport, etc.). Le plus inquiétant aujourd’hui est de ne pas savoir jusqu’à quand va durer cette hausse ? Nous espérons qu’il s’agit d’un phénomène conjoncturel lié à la Covid-19 et nous sommes dans l’attente d’un retour à la normale. »

Cette situation affecte-t-elle l’activité des distributeurs ?
L. M. : « L’activité des distributeurs est dans une bonne dynamique mais elle est toutefois à mettre en parallèle avec les délais de livraison et de reprise des industriels. Les distributeurs avaient anticipé et ont pour habitude d’avoir du stock. L’effet est donc relativement amorti mais notre stock ne pourra pas compenser plus de six mois de retard. Nous sommes dépendants des industries étrangères, sans savoir quand nous verrons le bout du tunnel. C’est là toute la difficulté. »

Quels sont les enjeux auxquels le Sedima se doit de répondre pour pérenniser l’avenir de la filière ?
L. M. : « Tout d’abord, les exigences des agriculteurs sont de plus en plus importantes. En parallèle, les constructeurs mettent une forte pression pour une organisation plus standardisée. Les concessions doivent évoluer en prenant en compte ces différents éléments. Le rôle du Sedima sera de veiller à un équilibre – toutefois fragile – entre les réglementations institutionnelles, les constructeurs, les concessionnaires et les clients. D’autre part, la problématique majeure est le besoin en main-d’œuvre qualifiée. Si le syndicat représente aujourd’hui 85 000 salariés, il reste difficile d’attirer des jeunes dans nos filières, et pourtant, la jeunesse est l’avenir de nos entreprises. C’est dommage car nous avons un panel de beaux métiers, souvent peu connus. Notre mission est de nous faire connaître des professeurs et des familles, mais aussi de parler de ces métiers intermédiaires auprès d’une cible de collégiens (4e, 3e) au moment de l’orientation pour susciter de nouvelles vocations. Le besoin de recrutement est une difficulté croissante dans nos métiers. Pourtant, les débouchés sont assurés. La formation, le recrutement et l’emploi font donc partie des enjeux à venir, pour préserver les relations de proximité et de confiance avec les agriculteurs. »


La relation client a d’ailleurs été mise à mal par les annulations des foires et salons. Qu’en est-il à ce jour ?
L. M. : « Nous espérons la tenue du Sommet de l’élevage1 et du Sitevi2 pour retrouver la convivialité au sein des équipes et le relationnel avec nos clients. Ce type d’événements est important pour présenter les nouveaux produits, mais leur annulation – comme l’an passé – n’a pas d’incidence majeure sur le marché de l’agroéquipement. En effet, nous proposons des outils professionnels et les agriculteurs ont d’autres moyens de les découvrir. Cependant, une nouvelle annulation serait pénalisante en termes de relations humaines. »


Propos recueillis par Amandine Priolet
1. Du 5 au 8 octobre 2021 à la Grande Halle d’Auvergne à Clermont-Ferrand.
2. Du 30 novembre au 2 décembre 2021 au Parc des expositions de Montpellier.

 

La pénurie des matières premières pèsera en 2021

Les industriels de l’agroéquipement subissent de plein fouet la pénurie des matières premières. C’est ce qu’indiquait au printemps Axema, leur syndicat professionnel, lors de la présentation de son rapport économique 2021. Ce rapport met en exergue une bonne année 2020, malgré la fermeture d’un certain nombre d’usines au printemps dernier au moment du confinement, avec un total des ventes de matériels neufs de 6,075 milliards d’euros, proche du record de 6,106 milliards d’euros réalisé en 2019. Pour l’année 2021, la demande soutenue se poursuit, Axema anticipant une croissance de 5 à 7 % et une projection à 6,44 milliards d’euros. Cette croissance pourrait être mise à mal par le problème de pénuries globales de matières premières (acier, hydraulique, électronique, pneumatiques, moteurs) qui a pour conséquences l’augmentation des tarifs, une réduction de la marge, un allongement des délais de livraison pouvant conduire à une annulation des commandes (livraison après saison), voire un arrêt des productions, prévient l’union des industriels de l’agroéquipement.