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Politique agricole commune

Nouvelle Pac : près de trois cents agriculteurs sont venus s’informer

Se préparer et s’adapter dès maintenant à la nouvelle Pac 2023-2027, tel était l’objet des réunions d’information organisées la semaine dernière par la chambre d’agriculture de la Drôme

Nouvelle Pac : près de trois cents agriculteurs sont venus s’informer
A Saint-Donat (photo) comme à Aubres, Allan, Die et Montoison, agriculteurs et agricultrices sont venus nombreux pour s’informer et appréhender la complexité de la Pac 2023-2027. ©AD26-CL

C’est un véritable marathon auquel se sont livrés Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d’agriculture de la Drôme, et les conseillers qui l’ont accompagné, les 24 et 25 février. Durant ces deux jours, ils ont animé cinq réunions sur la nouvelle réforme de la Pac : à Saint-Donat-sur-l’Herbasse, Aubres, Allan, Die et Montoison. À chaque fois, pendant plus de trois heures, ils ont présenté ce qu’il faut retenir de la Pac 2023-2027, un dossier complexe qui se décline en France dans un plan stratégique national (PSN) qui sera entériné en septembre. « 95 % de la réforme est déjà connue. C’est pour cela que nous avons souhaité organiser ces réunions de suite, a justifié Jean-Pierre Royannez en introduction. La déclaration Pac de 2023 sera différente de celle de 2022. Pour certaines exploitations, il est donc nécessaire d’anticiper dès 2022 un choix d’assolement et de rotations afin de préserver le niveau des aides. »

Budget stable et convergence des aides directes

La nouvelle réforme se fera avec un budget stable au niveau national. Symboles de cette stabilité, le montant du transfert entre le premier et le second pilier de la Pac est maintenu, de même que le montant du paiement redistributif (toujours sur la base des 52 premiers hectares). Le niveau de convergence des aides directes est fixé à 85 % (70 % actuellement) en fin de période. « Les droits à paiement de base (DPB) en deçà de 90 € en 2021 monteront à 90 € en 2023 et 117 € en 2025, a indiqué Alice Bouton, chargée d’étude économique et référente Pac à la chambre d’agriculture de la Drôme. Et ceux actuellement au-dessus de 1 349 € seront plafonnés à 1 349 € en 2023 et à 1 000 € en 2025. » Par ailleurs, le paiement jeune agriculteur (PJA) devient une aide forfaitaire à l’exploitation de 3 884 € par an à percevoir pendant cinq ans (avec application de la transparence pour les Gaec).

Une aide au maraîchage de 1 588 €/ha est créée. Ses critères (plus de 0,5 ha de légumes ou petits fruits éligibles et SAU maximale de la ferme de 3 ha) en font « une mesure spécifiquement dédiée aux petites exploitations maraîchères spécialisées », a précisé Jean-Pierre Royannez. La transparence pour les Gaec peut s’appliquer.

Aides animales, soutien aux protéines végétales

Pendant plus de trois heures, Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d’agriculture de la Drôme, et Alice Bouton, conseillère, ont expliqué en détail la nouvelle réforme de la Pac et répondu aux questions.

Autre changement d’importance, la baisse de 10 % du budget dédié à l'aide couplée bovine à l’UGB, dans laquelle seront fusionnées les aides aux vaches laitières (ABL) et allaitantes (ABA). Les mâles comme les femelles (de plus de 16 mois) seront primés. Les montants unitaires de l’aide évolueront chaque année, jusqu’en 2027, par effet cumulé de la baisse du budget, de l’effectif des cheptels et de l’augmentation de la part d’aides aux protéines végétales. Les effectifs éligibles à l’aide seront calculés six mois après la date de dépôt de la demande d’aide et en tenant compte des effectifs non aidés de l’année précédente. « Il faudra bien choisir sa date de déclaration en fonction des dates de naissance », a conseillé Jean-Pierre Royannez, avant d’ajouter : « L’aide aux légumineuses fourragères et aux protéagineux de 149 €/ha, montant identique en zone en plaine et montagne, devrait permettre aux zones d’élevage de récupérer la baisse des aides couplées animales ». Quoi qu’il en soit, pour les éleveurs présents dans la salle, c’est l’incompréhension. « Veut-on encore de l’élevage ? », ont-ils dit, dépités, en rappelant leurs difficultés en Nord-Drôme depuis la perte des ICHN, après la révision en 2019 de la zone défavorisée simple. Conscient de la situation, le président de la chambre d’agriculture s’est engagé à rechercher une solution. « Cela pourrait passer par une MAEC départementale mais tout reste à construire », a-t-il prévenu.

Par ailleurs, le montant des aides couplées caprines et ovines restera stable et l’aide aux veaux sous la mère évoluera vers un montant unique. Le soutien aux protéines végétales regroupera différentes aides déjà existantes (soja, protéagineux et semence de légumineuses fourragères) et une nouvelle aide « légume sec ». Elle aura un montant unique et forfaitaire de 105 €/ha.

ICHN, MAEC, soutien jeunes agriculteurs

Sur le deuxième pilier de la Pac, l'ICHN est maintenu à 1,1 milliard d’euros et l'enveloppe dédiée à la bio passe de 262 à 340 M€, sur la base d’un objectif de 18 % de la surface agricole utile (SAU) d’ici 2027. Le soutien aux jeunes agriculteurs est augmenté de 50 % sur le premier pilier et la Région Auvergne-Rhône-Alpes s’est d’ores et déjà engagée, sur le second pilier, à maintenir un haut niveau de DJA. Concernant les mesures agro-environnementales (MAEC, maintien du budget à 260 M€), un catalogue de vingt-sept mesures est proposé avec, pour chacune, jusqu'à trois déclinaisons possibles dans quatre catégories : eau, sol, climat/bien-être animal et biodiversité. La vraie nouveauté sera le lancement des MAEC dites forfaitaires, c’est à dire payées par exploitation (18 000 € pour cinq ans) et non par hectare souscrit. Ces MAEC « transition des pratiques » couvriront la perte de revenus associé à une transition vers d’autres systèmes tels que la réduction des pesticides d’au moins 30 %, l’amélioration du bilan carbone d’au moins 15 % ou encore l’amélioration de l’autonomie protéique de l’élevage. Des arbitrages régionaux sont en cours.

Enfin, « la conditionnalité sera renforcée » a alerté Alice Bouton. Dès 2023, entrera en application la conditionnalité sociale des aides Pac, qui soumet leur octroi au respect de directives européennes sur les conditions de travail. La grille des pénalités n’est pas connue à ce jour.

La réunion s’est terminée par un point sur le nouveau système de suivi des surfaces en temps réel (3STR) par satellite, de quoi faire bondir plusieurs exploitants qui ont fait part de leur profond agacement.

Christophe Ledoux­

Les écorégimes succèdent au paiement vert

C’est la grande nouveauté de la Pac 2023-2027, l’éco-régime. Ce nouveau dispositif entérine la disparition du paiement vert et représentera 25 % des aides du premier pilier de la Pac. Dans son PSN, la France propose trois voies d'accès : pratiques agricoles, certification et infrastructures agroécologiques (IAE, qui correspondent à une partie des surfaces d’intérêt écologiques) et deux niveaux de paiement (1 et 2), respectivement 60 et 82 €/ha. Une subtilité a été ajoutée : les haies permettront d'obtenir « un bonus » dans deux des voies (pratiques et certification). L’obtention des niveaux se fait selon une grille complexe de points.

La bio et la HVE (3e niveau de la certification environnementale) donneront toutes deux accès au niveau 2 (82 €/ha). Sur la voie des pratiques agronomiques, les principes retenus sont : le non-labour sur au moins 90 % des prairies (niveau 2) ou de 80 à 90 % (niveau 1) ; la couverture végétale de 95 % des inter-rangs (niveau 2) ou sur les trois quarts (niveau 1) ; la diversité des assolements sur terres arables (y compris plantes légumineuses, protéines végétales, plantes sarclées, avec cas particulier pour exploitations à fort taux de prairies permanentes, ou faible superficie en terres arables). « Les lavandes et lavandins (mais aussi les asperges, artichauts, le miscanthus, le houblon… ndlr) seront finalement considérés comme terres arables, ce qui évitera l’obligation de l’enherbement », a précisé Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d’agriculture de la Drôme. Les exploitants souhaitant opter pour la HVE et ainsi passer par la voie certification doivent s’y prendre de suite, a averti la chambre d’agriculture.