Pour une Drôme agricole durable, prospère et solidaire
Il y a quelques semaines, la FDSEA de la Drôme tenait son congrès à Suze-la-Rousse. Le point sur les orientations défendues par le syndicat pour l’agriculture du département à l’horizon 2040.

« Quelle Drôme agricole à l’horizon 2040 ? ». La question est complexe, tant le contexte national et international est mouvant et fluctuant pour l’agriculture. Lors du congrès de la FDSEA de la Drôme, le 15 mars dernier, Régis Aubenas, membre du bureau et Jordan Magnet, premier vice-président, ont tout de même fixé un cap : cette Drôme agricole sera nécessairement « durable, prospère et solidaire ». Selon eux, trois sujets sont déterminants pour atteindre cet objectif : les politiques influant l’activité agricole, les questions économiques et enfin l’aspect humain. Et pour chacun de ces sujets, ils ont présenté des orientations qui alimenteront le projet défendu par la FDSEA et Jeunes Agriculteurs de la Drôme pour les prochaines élections de la chambre d’agriculture.
« Il faut avoir en tête que l’agriculture, en Drôme, est soumise aux politiques de quatre ministères, de dix EPCI*, de 363 communes... », a rappelé Jordan Magnet. Sans oublier, bien sûr, l’échelon européen. « C’est avec toutes ces strates que nous devons composer pour faire avancer la ferme Drôme et faire face aux enjeux futurs. Il nous faut une organisation structurée et structurante pour accompagner ces différentes strates à faire évoluer la réglementation », a-t-il insisté.
Tirer les leçons des crises
Autre sujet, à cheval entre les politiques agricoles et les questions économiques, la capacité à s’adapter face aux crises. « Nous devons avoir, au service de la profession, des partenaires qui nous aident à identifier et tirer les leçons des crises, passées et en cours, pour préparer les outils de résolution et d’adaptation. Des partenaires qui travaillent également sur des indicateurs afin de pouvoir anticiper ces crises », a indiqué Jordan Magnet.
Sur le volet économique, Régis Aubenas a invité à poursuivre les actions menées ces dernières années en Drôme. « Chaque opportunité de création de valeur ou diversification, de structuration de filière doit être expertisée et le cas échéant développée. C’est ce que nous avons fait, il faut le renforcer et le développer », a-t-il spécifié. Autre champ d’action : celui des plans de filière régionaux ou du Feader, pour améliorer « le retour dans les cours de ferme » de ces dispositifs financiers grâce à des services d’accompagnement par filière efficaces.
Il a aussi pointé la spécificité de la Drôme qui dispose de stations expérimentales, organise le salon Tech&Bio… « Défendre et mobiliser ces outils de recherche et développement est une priorité stratégique. La synergie entre les différentes structures d’appui technique et d’expertise doit être renforcée dans un objectif d’efficacité et de réponse aux besoins des agriculteurs », a-t-il réaffirmé. Il a aussi plaidé pour que soit « optimisé le lien entre la formation et le développement », « pour des fermes plus performantes et autonomes d’un point de vue technico-économique ».
Des agriculteurs « bien dans leur métier »
Enfin, priorité des priorités : la question des forces vives de l’agriculture. « Pour que l’avenir de la ferme Drôme soit assuré, il va nous falloir des hommes et des femmes pour le forger, a averti Jordan Magnet. Des hommes et des femmes rémunérés, renouvelés et formés, bien dans leur métier, bien dans leur vie et dans la société. » Il a cité la nécessité de conserver « une politique d’installation offensive » mais aussi de déployer « une stratégie robuste, long-termiste sur la transmission ». « La transition démographique qui s’opère nous commande d’engager des compétences et des moyens coordonnées sur un temps long qui dépasse la sensibilisation. C’est sans doute le sujet sur lequel il y a le plus à développer et à innover car cette partie de la vie professionnelle touche à l’intime, renvoie aux dimensions patrimoniales et familiales et les différentes initiatives engagées depuis plusieurs décennies n’arrivent pas à porter leurs fruits », a-t-il reconnu.
Il a aussi rappelé qu’attirer des talents, tant chez les non-salariés que chez les salariés agricoles, passe par la qualité de vie, « jamais prise en compte dans les différentes politiques économiques ou dans les exigences environnementales demandées à la profession ». Il convient donc, dès à présent, d’intégrer cette composante dans les dispositifs d’accompagnement proposés aux agriculteurs. Sans oublier de « garder un lien fort avec l’innovation », pour saisir toutes les solutions qui existent pour faciliter la vie des exploitants.
Un champs d’action « vaste et profond », a conclu Régis Aubenas, mais il compte sur l’adhésion et la contribution du plus grand nombre pour construire la Drôme agricole de 2040.
Sophie Sabot
* EPCI : établissements publics de coopération intercommunale (EPCI)
L’eau, au cœur des préoccupations
L’accès à l’eau était aussi un élément clé du rapport d’orientation de la FDSEA 26. « D’une importance stratégique pour l’économie départementale, a souligné Régis Aubenas. Notre département doit être pilote sur le sujet de l’eau et l’irrigation en agriculture. » Il a aussi appelé, à travers la révision prévue en 2025 de la directive cadre européenne sur l’eau, « à sortir de l’idéologie » des pays du Nord de l’Europe dans ce domaine. Objectif : passer d’un système qui vise « à évacuer l’eau le plus rapidement possible vers la mer » pour revenir à un système méditerranéen, qui vise « à retenir l’eau le plus longtemps possible sur le territoire et à stocker les excédents pour ensuite les valoriser en eau verte ».
Photographie de la Drôme agricole et projections en 2040
Avec 5 253 exploitations au RGA* de 2020, 194 000 ha de SAU, dont 49 000 ha irrigués, et une diversité de productions presqu’aussi importante qu’à l’échelle nationale, la Drôme reste un des départements leader de l’agriculture en Auvergne-Rhône-Alpes. Raphaël Maire a souligné que les exploitations drômoises sont parmi les plus petites de la région mais « les plus performantes économiquement ». « On produit en Drôme des productions spécialisées à forte valeur ajoutée, spécialisation permise en grande partie grâce à l’irrigation », a-t-il rappelé. Sans oublier le poids de l’agriculture biologique et des signes officiels de qualité (34 % des exploitations sont en bio, 37 % produisent sous signe de qualité).
Limites du marché
Mais ce qui était hier un atout (monter en gamme) devient une faiblesse dans un contexte de crise économique où « l’alimentation est la première variable d’ajustement du budget des ménages », a constaté Raphaël Maire. Avons-nous atteint les limites du marché des produits bio et sous signe de qualité ? Peut-il repartir à la hausse ? La réponse n’est pas dans une boule de cristal. Mais peut-être dans des politiques qui visent, tant sur les circuits courts que les circuits longs, une production agricole et alimentaire de haute qualité. À l’échéance 2040, une telle perspective n’est tenable que si elle génère du revenu sur les exploitations pour que les agriculteurs puissent vivre de leur métier et investir dans leur outil de production pour s’adapter aux nouvelles contraintes économiques et environnementales notamment.
« Choc de temporalité »
Raphaël Maire a souligné que l’agriculture est prête à faire évoluer les systèmes de production et à jouer son rôle dans l’atténuation du changement climatique mais cela prend du temps. Il a ainsi évoqué « un choc de temporalité » entre une société obnubilée par l’immédiateté, des réponses politiques qui interviennent sur le court terme sans toujours prendre le temps d’étudier les impacts à long terme et, en face, le monde agricole qui travaille sur le temps long, avec des besoins de visibilité avant d’investir.
Composer avec ce triptyque « alimentation / économie / environnement » ne sera pas facile reconnaît Raphaël Maire. D’où la nécessité pour les exploitants et futurs exploitants d’être toujours mieux formés pour développer leur capacité à appréhender les risques, à trouver des marchés, à choisir le bon modèle économique et à recruter les bonnes personnes pour les accompagner.