Quel droit pour les petites parcelles ?
Les « petites parcelles » échappent en partie au statut du fermage lorsque trois conditions sont réunies.

Question : Mon exploitation est située dans le Vercors et je suis propriétaire de la majorité des parcelles que je travaille. Cependant, j’exploite aussi quelques petites parcelles qui appartenaient à mon voisin. On s’était mis d’accord il y a fort longtemps. Et comme ces parcelles sont très petites, mon voisin ne voulait pas d’argent, mais je lui donnais tous les ans du fumier pour son jardin potager. Ça s’est toujours bien passé, sauf que depuis le décès de ce voisin, son fils veut reprendre ces parcelles… Paul, le fils de mon ami, qui fait des études de droit, a un doute sur la qualification de la mise à disposition de ces parcelles par mon voisin : il ne sait pas si le statut du fermage s’applique ici. Pouvez-vous me dire si je bénéficie ou non d’un bail à ferme sur ces parcelles ?
Réponse : Paul a bien raison de se poser des questions sur l’application du statut du fermage. Le problème qui se pose ici ne résulte pas de l’accord qui est intervenu de façon verbale avec votre voisin. Car, comme vous savez, à partir du moment où une contrepartie à la mise à disposition existe, même si elle est modique, la qualification de bail rural est d’ordre public. La difficulté résulte plutôt de la taille des parcelles concernées. En effet, selon l’article L. 411-3 du code rural, les « petites parcelles » échappent en partie au statut du fermage lorsque trois conditions sont réunies :
• elles doivent avoir une superficie inférieure au seuil maximal fixé par arrêté préfectoral ;
• elles ne doivent pas constituer un corps de ferme ;
• elles ne doivent pas être une partie essentielle de l’exploitation du preneur.
C’est le premier point qui nécessite des explications : quand une parcelle est-elle considérée comme « petite » parcelle ?
L’arrêté préfectoral n°2012335-0019 du 30 novembre 2012, prévoit à son article 2 en application de l’article L. 411-3 du code rural, que la superficie maximum louée par un même preneur à un même bailleur, ne constituant pas un corps de ferme ou des parties essentielles d’une exploitation agricole, sont fixées pour les terrains à usage de polyculture, élevage à : 0 ha 40, pour les terrains comprenant des vignes, vergers, pépinières, aspergeraies : 0 ha 25, et pour les terrains comprenant des cultures maraîchères intensives : 0 ha 10.
En clair, ceci veut dire que si un même propriétaire vous loue plusieurs parcelles en vue d’une exploitation céréalière et que le total cumulé des parcelles dépasse les 40 ares, vous bénéficiez du statut du fermage sur l’ensemble des parcelles louées. Donc, même si le propriétaire ne souhaite reprendre, par exemple, qu’une parcelle sur trois, et que cette parcelle a une superficie de 21 ares, mais que les autres parcelles font 15 ares et 12 ares, le bail porte bien sur un ensemble de 48 ares. Le propriétaire devra ainsi, pour récupérer la parcelle de 21 ares, respecter les dispositions de l’article L. 411-3 et suivants du code rural, car le bail est en l’espèce soumis au statut du fermage.
En ce qui concerne notre exploitant du Vercors, si les surfaces des parcelles que votre voisin lui mettait à disposition depuis si longtemps sont inférieures au seuil décrit ci-dessus et qu’elles ne constituent ni un corps de ferme, ni une partie essentielle de l’exploitation, les points suivants diffèrent du statut du fermage :
• il n’y a pas la nécessité d’un écrit ni d’un état des lieux ;
• le preneur n’a pas de droit de préemption ;
• la durée des neuf ans et les clauses de reprises ne s’appliquent pas ;
• le preneur n’a pas le droit au renouvellement ;
• il n’est pas nécessaire de lui donner congé 18 mois avant l’expiration du bail et le congé n’a pas à être motivé.
Toutes les autres dispositions du fermage sont applicables, notamment la compétence du tribunal paritaire des baux ruraux pour les contentieux.
N’étant, dès lors, pas soumis à la durée de neuf ans et en l’absence de durée de bail fixée par écrit, les règles de l’article 1774 du code civil s’appliquent : « Le bail, sans écrit, d’un fonds rural, est censé être fait pour le temps qui est nécessaire afin que le preneur recueille tous les fruits de l’héritage affermé. Ainsi, le bail à ferme d’un pré, d’une vigne et de tout autre fonds dont les fruits se recueillent en entier dans le cours de l’année est censé être fait pour un an. Le bail des terres labourables, lorsqu’elles se divisent par soles ou saisons, est censé être fait pour autant d’années qu’il y a de soles. »
Le propriétaire peut donc récupérer ses terres à la fin de chaque période, et ce, en donnant congé par écrit, six mois au moins avant ce terme. n