Question : Des parcelles de terre se sont libérées non loin de mon siège d’exploitation. Je suis très intéressé de les prendre à bail et le propriétaire est d’accord de me les louer. Mais j’ai un doute quant à la personne qui doit signer le bail puisque j’ai entendu dire que la mère du propriétaire s’est gardée l’usufruit. Qui doit alors signer le contrat ?
Réponse : Il est très important que ce soit les bonnes personnes qui signent un bail rural au risque d’encourir la nullité. De façon générale, c’est le propriétaire du bien foncier qui doit signer le contrat. On distingue 3 situations un peu particulières :
• Le démembrement de propriété : c’est la situation dans laquelle le bien est partagé entre un nu-propriétaire et un usufruitier.
Le nu-propriétaire a essentiellement la faculté de disposer librement du bien mais il n’en a ni l’usage, ni la jouissance. Le nu-propriétaire doit cependant respecter les droits de l’usufruitier, c’est pourquoi son droit de disposer ne concerne que la nue-propriété du bien et non pas la pleine propriété. Ainsi, le nu-propriétaire peut vendre la nue-propriété du bien, la donner, la léguer, l’hypothéquer. En outre, le nu-propriétaire a aussi l’obligation de ne rien faire qui puisse porter atteinte au droit de jouissance de l’usufruitier.
L’usufruitier, au contraire, a le droit d’user et de jouir du bien. Ainsi, il peut occuper le bien, le louer, exploiter les terres, percevoir les fruits, c’est-à-dire les récoltes annuelles, les loyers, et même vendre son usufruit. A côté de ses droits, l’usufruitier a aussi des obligations : il doit entretenir le bien, respecter sa destination, effectuer les réparations nécessaires à la conservation du bien, aussi appelées réparations locatives.
Dans le cas d’un démembrement de la propriété, le pouvoir de conclure un bail rural appartient à l’usufruitier et au nu-propriétaire ensemble : ils doivent signer le bail tous les deux. Si le nu-propriétaire ne veut pas signer le bail, l’usufruitier pourra saisir le tribunal afin qu’il l’autorise à passer seul cet acte. Enfin, si l’usufruitier conclu seul un bail rural sans obtenir la signature du nu-propriétaire et sans autorisation de justice, le bail est nul à l’égard du nu-propriétaire : celui-ci peut demander au tribunal de prononcer la nullité pendant un délai de 5 ans à compter du moment où il a eu connaissance du bail.
• L’indivision : c’est la situation dans laquelle plusieurs personnes sont propriétaires d’un même bien, notamment en cas de succession. Lorsqu’un bien indivis est donné à bail rural, le consentement de tous les indivisaires est nécessaire : ils doivent tous signer le bail. S’ils ne sont pas d’accord pour donner la terre à bail, le Tribunal Judiciaire peut autoriser un indivisaire à conclure seul un bail. Enfin, si un indivisaire passe seul un tel acte sans autorisation du Tribunal Judiciaire ou sans le consentement des autres indivisaires, le bail leur est inopposable mais il n’est pas frappé de nullité. Concrètement, cela signifie qu’ils peuvent saisir le tribunal pour demander l’expulsion du locataire.
• Un bien commun aux époux : un bien appartient à la communauté des époux lorsque ces derniers sont mariés sous le régime de la Communauté Universelle ou sous le régime de la Communauté de biens réduite aux acquêts, appelé aussi régime légal, si le bien a été acquis pendant le mariage. Dans les deux cas, chacun des époux peut conclure un bail portant sur un bien de communauté mais il doit obtenir le consentement de son conjoint. En conséquence, les 2 époux doivent signer le bail. Si l’un des époux a conclu un bail rural sans l’autorisation de son conjoint, ce dernier peut demander la nullité pendant un délai de 2 ans à compter du jour où il en a eu connaissance. Cependant, cette action ne peut pas être engagée plus de 2 ans après la dissolution de la communauté (décès, divorce).
En conclusion, que ce soit dans le cadre d’un usufruit, d’un bien de communauté ou d’une indivision, on remarque que la signature de toutes les personnes ayant un lien de propriété avec le bien loué, est nécessaire. Ainsi, si vous avez un doute sur qui doit signer le bail, il vaut mieux avoir trop de signatures que pas assez.