Retenues d’eau : « Faire mieux et plus vite »
La préfète de la Région Auvergne-Rhône-Alpes s’est rendue sur une exploitation du Nord-Ardèche pour échanger sur le suivi apporté au projet d’agrandissement d’une retenue d’irrigation, construite dans le cadre du protocole départemental.

Le sujet de l’irrigation agricole était au centre d’une visite de la préfète de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, Fabienne Buccio, organisée lundi 5 février près d’Annonay. L’objectif de ce déplacement était d’échanger sur le fonctionnement des moyens et des services qui interviennent sur les projets d’agrandissement ou de création de retenues collinaires, et en substance de rassurer le monde agricole sur le positionnement de l’État face à leurs besoins. « La porte était ouverte avant et elle l’est toujours. Je pense que l’on peut toujours faire mieux et plus vite, a souligné Fabienne Buccio. Nous en avons un exemple ici, testé dès cet été. » À cet endroit, Rémy Grange produit principalement des fruits, entre 400 et 450 tonnes par an et emploie plus d’une dizaine d’équivalents temps plein. Il a agrandi récemment la capacité de sa retenue collinaire à 30 000 m3, contre 13 000 m3 initialement. « Mon projet a mûri pendant plusieurs années. Je faisais déjà beaucoup d’économie, en utilisant un système tout en goutte-à-goutte, avec une irrigation mécanisée de deux heures par jour maximum », explique l’arboriculteur installé sur 63 hectares à Colombier-le-Cardinal (07). Mais le manque d’eau se fait cruellement sentir malgré ses efforts d’économie et son adhésion à l’Asa de Peaugres. « On a de très bons sols qui retiennent bien l’eau mais on a de plus en plus besoin d’irrigation. »
« Il ne se fera rien sans eau »
Pour son projet d’agrandissement, Rémy Grange a attendu plus d’un an et demi entre sa première prise de contact avec un conseiller spécialisé sur la gestion quantitative de l’eau de la chambre d’agriculture de l’Ardèche en février 2022 et l’acceptation de son dossier de déclaration en juillet 2023. Un temps long et des démarches fastidieuses entre les différents services sollicités dans ce type de projet, a témoigné l’arboriculteur.
À gauche, Rémy Grange, arboriculteur, expliquant le fonctionnement de sa retenue collinaire à la préfète de la région Aura, Fabienne Buccio, et la préfète de l’Ardèche, Sophie Elizéon. ©AAA_AL
Son projet s’est heurté tout d’abord à la réticence du syndicat des Trois rivières, qui œuvre en Nord-Ardèche à une gestion cohérente et concertée des milieux aquatiques, annonçant qu’il se situe sur une zone humide « d’après une étude menée par un bureau privé », a indiqué Rémy Grange, « mais la zone humide est située en amont et en aval de la retenue ». Passé cet écueil, il attendra pendant six mois de savoir si son dossier est soumis à une demande d’autorisation ou de déclaration, ses appels restant sans réponse. « On m’a dit qu’il était attendu une contre-expertise de l’OFB, qui est finalement venu pour évaluer les sols et la végétation », explique-t-il, « puis j’ai reçu une réponse positive à établir sous forme de déclaration. Après, tout s’est accéléré, j’ai contacté un bureau d’études pour monter mon dossier, l’ai déposé à la DDT en mai 2023 et reçu une réponse en juillet me permettant d’attaquer les travaux fin août ». Sur un coût de 130 000 €, son projet a bénéficié d’aides du Feader, de la Région Aura et du département de l’Ardèche. « C’est un budget colossal sur l’exploitation mais essentiel pour arriver à produire et pérenniser mon activité pour les vingt ans à venir, et également pour la protection des aléas climatiques. Il ne se fera rien sans eau. »
Des blocages et « conceptions trop opposables »
La visite de la préfète de la Région a permis ainsi de mettre en lumière les besoins et les obstacles rencontrés par les exploitants sur leurs projets de création et d’agrandissement de retenues. Parmi ces obstacles, ils ont évoqué les « conceptions trop opposables » entre la définition et cartographie des zones humides et des cours d’eau avec les lois environnementales et l’arrêté de 2021 fixant les prescriptions techniques applicables aux plans d’eau. « Un réel blocage pour de nombreux projets qui n’arrivent même pas à rejoindre les bureaux de la DDT », a déclaré Sylvain Bertrand, vice-président de la chambre d’agriculture et référent sur le dossier eau. Fabienne Buccio a annoncé « faire notre propre cartographie » des zones humides dès le mois de mars. Le directeur de la DDT 07, Jean-Pierre Graule, a évoqué également la longueur de la pré-instruction des dossiers, « le facteur limitant de la définition de la zone humide qui est tenue à l’OFB » et « l’extrême complexité de concilier l’alimentation des réserves d’eau tout en préservant les usages avec les bassins ardéchois ». Sylvain Bertrand a souligné également des difficultés sur la détermination des volumes prélevables hivernaux réalisée par l’OFB.
A. L.
« Voir localement et faire du sur-mesure »
Sur le débat de la disponibilité de la ressource, « il faut des solutions partagées, acceptables pour l’ensemble des acteurs concernés », a souligné le président de la chambre d’agriculture de l’Ardèche, « une architecture collaborative et un cadre législatif qui nous permettent d’avancer » pour « organiser la disponibilité, sécuriser la ressource et trouver de la capacité ». En Ardèche, un protocole départemental d’accompagnement des projets de retenues, coconstruit avec l’ensemble des acteurs de l’eau et de l’agriculture, a été mis en place en 2021 et a permis de concrétiser des projets. « C’est complexe et contraignant mais c’est possible. »
« Pour les douze départements de la région, en 2021, nous avions vu tout l’intérêt des retenues d’eau. Actuellement, 133 retenues ont été améliorées ou créées et il y en a autant en projet », a indiqué la préfète Fabienne Buccio. « La difficulté est de trouver le juste équilibre entre tous les usages. Pour le moment, ce sont les préfets qui prennent les décisions en fonction des directives qui vont être discutées mais il n’empêche qu’il faut faire avec les textes que nous avons et c’est l’analyse au cas par cas qui permet de trancher après », a-t-elle poursuivi. « Chaque département présente des spécificités, donc il faut voir localement et faire du sur-mesure, à adapter au climat et dans le cadre qui nous sera donné. » Elle a évoqué également le travail à mener pour « essayer d’avoir un guichet unique et voir où il peut y avoir des points de blocage ».