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Climat

Sécheresse : pire qu’en 1976 ?

Après des mois de juin et juillet très chauds et secs précédés par un printemps sans pluies importantes, la sécheresse en 2022 pourrait être plus importante et plus grave que celle de 1976.

Sécheresse : pire qu’en 1976 ?
Pour l’agriculture, les choix sont peu nombreux. Avec les épisodes extrêmes qui s’accélèrent d’année en année (sécheresse en été et pluies diluviennes en automne et en hiver), la gestion de l’eau par de nombreux moyens devient une priorité pour sauver les cultures. ©AD26-CL

Pas moins de 90 départements sur les 96 métropolitains ont restreint, conformément aux arrêtés préfectoraux, les usages de l’eau. Les départements les plus en tension pour les eaux de surface sont ceux de l’Ouest de la France en particulier ceux du bassin de la Loire et à proximité : Loire-Atlantique, Ille-et-Vilaine, Mayenne, Sarthe, Deux-Sèvres, Vendée, Vienne. Une partie du Sud-Est est également impacté par le manque de précipitations comme la Drôme, l’Isère, le Var. Les préfets des départements en crise ont déclaré l’arrêt des prélèvements « y compris à des fins agricoles ». Seuls les prélèvements permettant d’assurer l’exercice des usages prioritaires (santé, sécurité civile, eau potable, salubrité et sécurité des centrales nucléaires) sont alors autorisés.

L’impact se fait d’ores et déjà sentir sur les cultures dont les rendements accusent des baisses notables, sur les grande cultures notamment. Dans certains secteurs géographiques, une partie des fruits et des raisins ont grillé sur place. Le bétail souffre également des chaleurs parfois excessives, augmentant le besoin en hydratation. Selon la race (lait, mixte ou viande) une vache boit entre 40 et 120 litres d’eau par jour. Un volume qui peut doubler sous de très fortes chaleurs comme les dernières semaines en ont connues.

2022 a déjà battu les records de 1976

Le site Propluvia.fr qui dépend du ministère de la Transition écologique pointe de très nombreuses sous-régions en crise tant pour les eaux de surface que pour les eaux souterraines. Il faut dire que le printemps 2022 (mars-avril-mai) a été le troisième le plus sec derrière 2011 et 1976, enregistrant un déficit de précipitation de 45 % par rapport à la normale. Selon Météo France, il serait même le plus chaud depuis 1900. En France, le mois de juin a également été, aux dires de différents sites météorologiques, le troisième mois le plus chaud jamais enregistré.

Intervenant le 18 juillet dernier dans l’émission C dans l’air (France 5), la climatologue Françoise Vimeux a indiqué que l’année 1976, au regard de la dernière décennie (2011-2020) pourrait passer comme un été « tout à fait banal. On ne s’en apercevrait pas (… ) Il est devenu la norme. » Sans tirer de conclusions hâtives, son homologue Jean Jouzel, membre du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) subodore que 2022 a déjà battu 1976. « Les températures moyennes de 2022 seront certainement au-dessus de 1976, on le saura à la fin de l’été (…) 2022 a déjà battu les records de 1976. Les extrêmes enregistrées pendant la canicule de 1976 ont approché les 40 °C, là on les a dépassés*. »

Gestion de l’eau : une priorité

Pour l’agriculture, les choix sont peu nombreux. Avec les épisodes extrêmes qui s’accélèrent d’année en année (sécheresse en été et pluies diluviennes en automne et en hiver), la gestion de l’eau par de nombreux moyens devient une priorité.

Il faut aussi rappeler qu’il pleut en France en moyenne l’équivalent de 503 milliards de mètres cubes d’eau par an**. Sur les 33 milliards de m3 d'eau douce prélevés pour satisfaire les activités humaines (soit 6,6 % du volume total), le secteur agricole ne représente que 16 % de ce volume, derrière les 56 % pour la production d'énergie et les 18 % pour les ménages. Parmi ces 16 %, 92 % servent à l'irrigation, 6 % pour l'abreuvement et 2 % pour d'autres utilisations.

Christophe Soulard

* Ouest-France du 19 juillet 2022.

** https://www.eaufrance.fr/les-volumes-de-precipitations

Sur les 33 milliards de m3 d'eau douce prélevés pour satisfaire les activités humaines (soit 6,6 % du volume total), le secteur agricole ne représente que 16 % de ce volume. © iStock-Jpr03.jpg

Juillet : mois le plus sec depuis mars 1961

Selon Météo-France, « le mois de juillet 2022 a été le deuxième mois le plus sec depuis plus de soixante ans ». Il est en effet tombé en moyenne 9,7 millimètres de précipitations agrégées en France métropolitaine entre le 1er et le 31 juillet d’après les relevés de l’organisme météorologique. Il faut remonter à mars 1961 pour connaître une période encore plus sèche : seulement 7,8 mm de précipitations du 1er au 31 mars. Depuis le 2 août, plus aucun département de métropole n'est donc épargné par le phénomène climatique et toute la France métropolitaine est désormais placée sous surveillance y compris Paris et la petite couronne. Près d’une soixantaine de départements ont été placés par les préfets en « crise sécheresse ». De nombreux cours d’eau sont en débit très réduit voire à sec un peu partout en France. La Loire a vu son débit divisé par trois en trois semaines, passant de 475 M3/seconde (1er juillet) à 129 M3/s le 20 juillet. L’une des conséquences est que le département de la Loire-Atlantique est placé en « alerte eau potable » depuis le 20 juillet. D’autres départements devraient suivre dans les prochains jours.

 

Sécheresse : un milliard d’euros de pertes selon Christiane Lambert

Invitée de la radio RMC le 1er août, la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, s’est alarmée des conséquences de la sécheresse sans précédent que la France subit depuis plusieurs semaines. Elle s’attend à des « pertes historiques » dans de nombreuses filières, les chiffrant à environ un milliard d’euros. « Les récoltes sont vraiment en danger, pour certaines d'ailleurs c'est foutu comme pour le maïs [...], il n’y aura pas d'épi, il n'y aura pas de grains, c'est une perte en quantité et en qualité », a-t-elle déclaré expliquant que dans son département de Maine-et-Loire, il n’était tombé que 10 mm d’eau depuis le 1er juillet. « On cumule (…) un hiver sec, un printemps chaud et un été caniculaire, a-t-elle ajouté. L’agriculture paie un lourd tribut à ce changement climatique (…) On va manquer de fourrages pour les animaux cet hiver. »

Même si le régime des calamités s’appliquera sur une partie des productions, elle demande des mesures complémentaires de la part de l’Etat et la mise en place des retenues d’eau pour récupérer les surplus hivernaux, « car l’eau qui va à l’agriculture, c’est une eau qui va vers l’alimentation », a-t-elle soutenu. Et d’ajouter : « Le débat sur l’irrigation en France a été confisqué par l’idéologie. (…) Seulement 1,7 % de l’eau qui tombe en France (503 milliards de m3 - ndlr) est stockée contre 20 % dans certains pays européens. Donnons-nous les moyens », a-t-elle asséné.