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Ventes de tracteurs, un marché regardé à la loupe

Le niveau des ventes des tracteurs et des machines agricoles est suivi de très près par les constructeurs et les distributeurs. Il révèle la situation économique de l’agriculture, mois par mois. Un regard chez nous et chez nos voisins européens permet de mesurer le dynamisme de toute une filière.
Ventes de tracteurs, un marché regardé à la loupe

Si l'on observe les chiffres du marché européen fin 2017, les 30 pays de notre zone économique ont absorbé 161 235 tracteurs neufs, dont 39 500 pour la France, toutes catégories confondues, allant des standards, aux micro-tracteurs espaces verts. Néanmoins, le marché national était à la peine l'année dernière, avec un recul de 2 ,2 % par rapport à 2016, alors que d'autres pays progressaient de 5,7 % comme l'Espagne et voire de 22,9 % pour le Danemark*.
En décembre dernier, le marché a observé un pic des immatriculations dans tous les pays de notre zone, pour la simple et bonne raison qu'il fallait absolument sortir du marché du neuf, avant le 1er janvier 2018, les tracteurs neufs en stock non équipés d'un double système de freinage. C'est ce que certains ont appelé l'effet « mother regulation », le nom de ce système de freinage qui doit équiper depuis cette date tous les tracteurs neufs vendus en Europe. Ces tracteurs, certes immatriculés en 2017, ont dû trouver preneurs début 2018 en s'immisçant sur le marché du neuf, alors qu'ils étaient statistiquement considérés comme d'occasion du fait de leur deuxième immatriculation.

2018, un marché dynamique

En septembre de cette année, selon les données Axema, le marché global du tracteur est en augmentation de 8,31 %. Cette progression du marché cache cependant des disparités selon les segments. Pour les tracteurs standards, les immatriculations de janvier à septembre étaient de 21 773 unités, soit une progression de 11,6 %. Le segment vigne et verger, en revanche, reculait de 4,85 %, pour atteindre 3 509 tracteurs vendus sur ces neuf premiers mois. La catégorie espace vert, quant à elle, tire le marché vers le haut en progressant de 19,9 %, pour atteindre 5 826 machines vendues. Au total, fin septembre, toutes catégories confondues, ce sont 31 757 tracteurs neufs qui ont été immatriculés. À ces statistiques, il conviendrait de rajouter les tracteurs neufs standards non équipés d'un double système de freinage qui ont été immatriculés à la hâte en fin d'année dernière et qui se sont écoulés sur le premier trimestre 2018 mais, là, aucune statistique ne les mentionne. En tout état de cause, le marché 2018 est plutôt un bon cru pour la France. Ces chiffres nationaux sont tout de même à nuancer car, au niveau de la région Auvergne-Rhône-Alpes, les immatriculations en tracteurs standards reculent de 15,8 % sur les neufs premiers mois, avec 1 547 unités livrées, (voir le tableau des immatriculations). Il ne s'agit là que des ventes des tracteurs standards, auxquelles il faudrait ajouter les spécialisés et les espaces verts, ainsi que les neufs vendus en 2018, immatriculés mais en 2017, ces tracteurs dits « mother regulation » que personne ne place dans les chiffres...

Une industrie lourde

La France est le troisième producteur européen de matériel agricole avec un chiffre d'affaires de 4,6 milliards d'euros dont 3,1 milliards à l'exportation. La filière emploie 15 000 salariés répartis auprès de 385 constructeurs nationaux. Malgré le dynamisme de cette industrie, il n'existe plus de marque française de tracteur depuis le rachat en 2008 de Renault par Claas. Pour autant, trois marques sont implantées sur notre territoire, Class au Mans, Massey Ferguson à Beauvais et récemment Kubota à Bierne, dans le Nord pour ses seules séries 7. La production annuelle totale de ces trois constructeurs oscille autour 25 000 à 30 000 tracteurs.
Malgré une industrie dynamique, la production nationale ne suffit pas pour alimenter à elle seule le marché intérieur et nous importons beaucoup, principalement des matériels en provenance de l'Allemagne et de l'Italie. L'année dernière, ce sont 3,5 milliards de matériels qui sont entrés en France pour satisfaire les besoins des agriculteurs, soit une balance import-export de matériels déficitaire. Ces montants annuels d'investissement de la ferme France sont à comparer avec la valeur de la production agricole française pour avoir une idée plus précise des efforts d'équipements que réalisent chaque année les agriculteurs. Ainsi, la valeur de la production agricole totale était de 72 milliards en 2017, avec 5,7 milliards seulement de marchandises exportées... Toujours à titre de comparaison du poids de l'agriculture dans l'économie nationale, l'aéronautique produit quant à elle un chiffre d'affaires de 50,7 milliards par an. Aux côtés des constructeurs, il faut ajouter 35 000 emplois de mécaniciens, magasiniers, commerciaux, administratifs répartis chez 2 700 concessionnaires. Le machinisme agricole dans sa globalité a généré en France, en 2017, un volume d'activité de 11 milliards d'euros.
Pour le premier semestre 2018, le secteur de la construction et du commerce a donc eu une croissance de 6 %. Plus encore, pour ce deuxième semestre, 57 % des professionnels se disent confiants. Ce sont les matériels de semis en particulier, de plus en plus complexes et de plus en plus chers, qui ont eu la faveur de l'investissement en culture et qui ont gonflé les chiffres du commerce sur ces trois premiers trimestres. Enfin, la profession de l'agroéquipement mise sur une croissance du marché de 2 % pour 2019*. 
Roland Saint Thomas
*Source Axema

Focus / L’occasion, un marché presque trois fois plus important que le neuf
Dans la plupart des cas, la vente d’un tracteur neuf fait l’objet d’une reprise de la part du concessionnaire. Pour revendre cette reprise, il devra là encore procéder à une nouvelle reprise qu’il devra à nouveau mettre sur le marché et ainsi de suite… Ainsi, la vente d’un tracteur neuf génère en moyenne 2,3 ventes d’occasion et l’on arrive au chiffre impressionnant de 90 786 tracteurs usagés vendus en 2017 sur notre marché. Une partie de ces tracteurs d’occasions sortent cependant de la sphère européenne pour alimenter les pays de l’Est, du Moyen Orient ou d’Afrique. Il n’existe pas de chiffres à proprement dits sur l’ampleur de ce phénomène mais, en général, ce sont les extrêmes qui partent, c’est-à-dire, les très « belles occasions », ou à l’inverse, les tracteurs en fin de vie, peu chers et souvent exportés par lots complets. Ils auront une deuxième ou troisième vie et serviront pour des usages moins intensifs, voire pour de la pièce. Le marché de la « belle occasion » concerne généralement des tracteurs de moins de trois ans et de moins de 3 000 heures. Leur décote par rapport à un neuf est de 15 à 20 % la première année et de 12 à 15 % la deuxième année. L’acheteur pourra ainsi s’équiper d’un tracteur récent, doté des nouvelles technologies, transmissions à variation continue ou boîte robotisée, suspensions de cabine et d’essieu avant… tout en réalisant une économie de l’ordre de 45 à 50 %, par rapport à la valeur d’un neuf. Une belle opportunité pour certains agriculteurs. 
Roland Saint Thomas

 

Tableau des immatriculations de tracteurs neufs vendus de janvier à septembre 2018 sur la région Auvergne-Rhône-Alpes

                   2018
              (janv-sept)    Variation 2018-2017
AIN              163               2,5 %
ALLIER          159             -19,3 %
ARDECHE       61              -25,6 %
CANTAL         169             -13,8 %
DROME          105             -22,8 %
HAUTE-LOIRE    143           -9,5 %
HAUTE- SAVOIE    81        -43,8 %
ISERE                 165        -10,3 %
LOIRE                  135       -27,8 %
PUY-DE-DOME       205         -3,8 %
RHONE                   97         -1,0 %
SAVOIE                  64         - 23,8 %
Total                  1 547      -15,8 %